la fonction de cadre : éthique et déontologie
Objectif :
A pour but que : « les conduites motrices et l’intervention de l’éducateur » une réflexion sur les règles du métier, d’un point de vue à la fois pratique (déontologie) et théorique (éthique).
Nous nous donnons pour but :
ó De préciser la définition des concepts,
ó De proposer les grandes lignes d’une déontologie acceptable par tous,
ó D’ouvrir à une réflexion sur l’éthique sportive, c’est à dire sur les valeurs qui peuvent fonder l’affirmation d’une portée éducative du sport.
Sommaire
Introduction : définitions
Déontologie : « ne pas nuire »
ó Aux pratiquants
ó Aux collègues
ó A soi-même
La morale et l’éthique sportives
ó Le sport n’est pas moral
ó Le sport n’est pas moral mais peut le devenir
ó L’identité du sport est dans la morale qui le fonde
ó Valeur du sport et de l’olympisme.
Conclusion
Chaque discipline sportive appelle ses cadres d’un nom selon ses habitudes : en équitation, en escrime, en judo, on a affaire à des « maîtres » ; en voile, en ski, à des « moniteurs ». On parle d’entraîneurs en sports collectifs, en gymnastique sportive, en athlétisme. Certains sports ont leurs instructeurs, d’autres n’ont pas attendu la création récente d’un concours pour parler de professeurs.
Que pouvons-nous retirer de ces multiples dénominations ?
Le cadre sportif est à la fois celui qui sait et celui qui conduit. Il donne les moyens de l’action efficace tout en transmettant une culture et des valeurs.
Puisqu’il accueille des enfants, des adolescents, des jeunes pour guider leurs apprentissages en organisant leurs pratiques, pour les diriger pendant les entraînements et les compétitions, le cadre sportif exerce pleinement les responsabilités d’un éducateur.
Il est donc important d’envisager son métier d’un point de vue de la déontologie et de l’éthique.
Définitions :
On entend par déontologie l’étude des devoirs relatifs à tel ou tel métier. On parle, par exemple, de déontologie médicale pour désigner l’ensemble des règles de conduite qui régissent l’exercice de la médecine.
L’une d’elle crée, pour le médecin, l’obligation de ne pas divulguer à des tiers ce qu’il peut apprendre dans l’exercice de son métier : c’est le secret médical.
Il existe de même un « devoir de réserve » des fonctionnaires.
Morale vient du latin « mores » qui signifie mœurs. D’un point de vue sociologique, la morale est « l’ensemble des règles de conduite admises à une époque ou par un groupe d’hommes ». D’un point de vue philosophique, la morale désigne l’ensemble des règles de conduite qui doivent être respectées par tous sans condition. Sous la diversité des mœurs peut-on trouver les principes d’une morale universelle ? Le sport, qui s’est rapidement étendu à toute la planète, illustre-t-il bien ces principes ?
Ethique vient du grec ancien ethos qui signifie mœurs, et pourrait donc être l’exact synonyme de morale. Pour introduire une différence, il faut se souvenir que la culture latine est une culture de soldats et de juristes, portés vers l’action, alors que la culture grecque est celle des philosophes. Cette opposition schématique nous permet de situer l’éthique comme une réflexion sur la morale, avec prise de recul critique. En somme, faire de l’éthique, c’est réfléchir sur les problèmes posés par la morale, sur ses fondements et son éventuelle évolution.
Compte tenu de ces rapides définitions, on comprend bien que l’éducateur sportif respecte une déontologie, met en œuvre et transmet une morale, ce qui peut le conduire à s’interroger, dans le cadre d’une réflexion éthique. Par exemple, respecter les règles de sécurité est un problème de déontologie, s’efforcer d’être juste, équitable, un problème moral, alors qu’il faut entrer dans la sphère de l’éthique pour comprendre au nom de quels critères on peut décerner un prix du fair-play, ou à partir de quelles analyses on peut caractériser l’esprit olympique. De la même façon, chez un médecin, respecter le secret médical est une question de déontologie, prendre le temps d’écouter, de réconforter ses patients un choix moral, alors que les décisions concernant certaines expérimentations relèvent d’un « comité d’éthique ».
On pourrait trouver des exemples semblables pour tous les métiers, puisqu’il n’y a pas d’activité humaine en dehors de la société qui n’implique ces trois niveaux :
ó Celui de l’obligation – qui confine au Droit
ó Celui du choix librement consenti – satisfaction personnelle, dignité
ó Celui de la réflexion critique – souvent sollicitée dans les périodes de transformation et particulièrement importante aujourd’hui.
Déontologie
Etre éducateur sportif est un métier : il en résulte d’abord une déontologie c’est à dire un ensemble de règles à respecter, admises par tous ceux qui exercent cette profession. Ces règles ne sont d’ailleurs écrites nulle part et il n’existe pas non plus d’instance chargée de veiller à leur application. D’ailleurs toutes les professions n’ont pas leur « charte » et leur « conseil de l’ordre ». Et cela peut s’expliquer, à la fois par le caractère récent de l’apparition du métier et par la confiance qu’ont pu susciter ceux qui nous ont précédé. De plus, il faudra se demander plus loin quels sont les inconvénients et les limites des chartes écrites, des règles édictées, des conseils et des commissions mis en place….
Cherchons plutôt d’abord comment tracer les grandes lignes d’une déontologie des éducateurs sportifs. Son principe, duquel semble-t-il, tout se déduit, peut s’énoncer ainsi : « D’abord pas nuire »
Ne pas nuire aux pratiquants que nous encadrons.
Il va de soi que ce principe s’applique d’abord à ceux que nous formons et entraînons. Le développer conduit à envisager les effets de la pratique sportive et en particulier ses risques aux plans corporel, psychique, relationnel et social.
Le sport défini dans une perspective éducative ne peut pas nuire à la santé, à l’intégrité physique. Il doit, pour ce qui est du corps, procurer des bénéfices, non des séquelles. Cette exigence peut s’exprimer, en reprenant le titre d’un colloque, et celui du livre de Jacques Personne, par la formule « Aucune médaille ne vaut la santé d’un enfant ». La médaille est un jalon, un moyen. Pas un but. Le but de l’éducation, c’est l’homme, son développement, son épanouissement. Il ne s’agit pas de condamner les médailles qui symbolisent une exigence, mais de rappeler que le but n’est jamais la médaille au détriment du médaillé, le résultat qui oublie la personne qui l’obtient.
Un sport éducatif ne peut non plus constituer une menace pour l’équilibre psychologique. La force des émotions liées à la compétition, l’adulation qui peut entourer de jeunes gloires, les exigences de plus en plus fortes de parents pris au jeu de la réussite sportive par des enfants interposés, mettent souvent l’éducateur sportif dans une situation difficile. Il lui faut composer avec des attentes contradictoires et maintenir une logique du long terme alors que les résultats immédiats sont privilégiés. Il lui faut penser à l’échec au moment même du succès pour qu’il ne porte pas atteinte à la personne qui le vit.
Enfin, à un troisième niveau d’approche, le sport éducatif est celui qui laisse aux enfants, aux adolescents le temps de vivre leur âge. On sait à quel point les jeux, les activités de loisirs et de sociabilité sont importantes pour le développement. Il n’est pas nécessaire, non plus, d’insister sur l’importance d’expériences et d’ouvertures multiples pour la richesse d’une formation. L’éducation sportive, comme l’éducation en général s’accommode mal de la spécialisation. En ce domaine comme ailleurs, il faut savoir prendre son temps, et parfois, reculer pour mieux sauter.
En résumé, vis à vis de ceux que nous encadrons, le souci de ne pas nuire nous impose d’être des éducateurs compétents et patients. Il nous faut toujours placer ceux à qui nous nous adressons au centre du processus que nous mettons en place et projeter dans l’avenir les conséquences de nos décisions.
Ne pas nuire à ceux avec qui nous travaillons.
L’éducateur sportif n’est pas seul : il contribue au fonctionnement de tout un système et se trouve ainsi mis en relation avec d’autres personnes, de même statut, ou de statut différent. Or, l’un des moteurs de la vie professionnelle est la concurrence.
Dans les organisations de plus en plus complexes où s’inscrit aujourd’hui le travail, il donne lieu à de multiples possibilités de conflits. La lutte pour le prestige, le pouvoir, et les avantages matériels qui les accompagnent peut aller jusqu’à de regrettables excès.
La ligne directrice qui nous semble s’imposer ici est celle de la solidarité professionnelle. D’abord, parce qu’on a plus de chances de progresser, à tous points de vue, dans l’union que dans la concurrence. Ensuite parce qu’il en va de notre propre crédibilité. L’enfant, l’adolescent, peuvent être portés à la critique. Certains ont une tendance à se plaindre. S’ils trouvent chez nous une oreille complaisante, un encouragement aux critiques qu’ils peuvent faire sur les procédés de tel ou tel éducateur, c’est le statut même de l’éducateur sportif qui s’en trouve atteint.
Lorsqu’on est soi-même investi de ce statut – même si par l’âge on se sent plus proche de ceux que l’on encadre que des « vieux » entraîneurs ou dirigeants – il faut bien considérer dans quel camp on se trouve et ne pas se tromper de rôle.
C’est la raison pour laquelle il entre dans la déontologie de toute profession une part d’esprit de corps, un accent mis sur la solidarité avec ceux qui font le même « métier ». Bien sûr cette solidarité nécessaire n’en est pas pour autant mécanique et aveugle.
Ne pas nuire à soi-même, à son propre équilibre.
Toute situation éducative met en relation trois pôles :
ó l’enseigné,
ó la discipline,
ó l’enseignant.
Nous avons parlé des pratiquants, de la discipline au travers des problèmes de sécurité et d’intensité de la pratique et des enseignants comme « corporation ». Reste à envisager les enseignants comme individus. Dans cette perspective, ne pas nuire à soi-même, c’est ne rien faire qui puisse porter atteinte en nous à l’homme, à l’éducateur, au citoyen.
L’éducateur ne se conçoit comme tel que dans la dignité qui fonde le respect de soi et celui que les autres doivent pouvoir éprouver pour lui et dans l’indépendance qui permet la justice. Les conditions d’emploi d’exercice du métier peuvent être plus ou moins favorables, selon qu’il existe ou non des garanties de revenu, une formation solide et reconnue, des organisations professionnelles influentes et actives. Ces conditions sont d’autant mieux remplies que le métier a une histoire déjà longue, comme l’est, par exemple, celle qui va des « instituteurs » aux « professeurs d’école ».
On appelait, à la fin du XIX° Siècle, les instituteurs, les « hussards noirs de la République » et les écoles normales des « séminaires laïques ». Ces expressions désignent une conception de la formation professionnelle définie comme morale et sociale, à une époque où les hommes politiques de la III ° République, comme Jules Ferry, avaient fait des instituteurs les représentants de l’idéal républicain. Les buts de l’école étaient clairement énoncés : donner les savoirs nécessaires aux citoyens, renforcer l’unité du pays, développer le patriotisme, transmettre les valeurs inscrites aux frontons des tous les édifices publics : Liberté – Egalité – Fraternité. Pour avoir les moyens de sa mission, l’instituteur, après avoir passé les épreuves très sélectives de recrutement, recevait une formation solide. L’Etat lui garantissant logement et salaire, lui fournissait les moyens de sa mission, en le rendant indépendant par rapport aux pressions locales, en lui donnant les bases d’un statut respectable. Sur ces bases, les instituteurs ont construit, par leurs organisations professionnelles, d’entraide culturelle, économique la valorisation de leur métier. Le temps est loin où les notables des communes pouvaient louer pour une saison les services d’un maître taillable et corvéable à merci.
Certes, la comparaison a ses limites. Elle permet cependant de souligner que les aspects économiques et sociaux entrent de manière décisive dans la définition d’une profession et jouent sur la possibilité qu’elle a de définir et de respecter un code de déontologie. Une compétence reconnue – sanctionnée par une formation organisée et contrôlée, initiale et continue, apparaît comme une condition nécessaire. Mais il ne suffit pas qu’elle soit remplie : il faut encore que les conditions matérielles de l’exercice du métier soient bonnes et garantissent l’indépendance.
La morale et l’éthique sportives.
Pour donner un contenu à la déontologie de l’éducateur sportif nous avons pu nous contenter d’une démarche négative : que faire pour ne pas nuire ? La morale et l’éthique, que, compte tenu de nos définitions nous aborderons ensemble en considérant que la seconde sert à analyser les positions de la première, ne sauraient se contenter d’une telle démarche. D’autre part, le problème devient ici plus large. La déontologie concerne l’éducateur. La morale et l’éthique concernent le sport. Une question fondamentale se pose : le sport est-il, oui ou non, une activité morale qui relève d’une approche en termes d’éthique ?
Trois réponses sont possibles :
ó une négative – le sport n’est pas moral.
ó une conditionnelle – le sport peut être moral sous certaines conditions d’organisation et d’encadrement.
ó une positive – qui fait d’une morale le fondement du sport dans son originalité.
Le sport n’est pas moral.
Il existe une tradition de critique du sport qui s’actualise aujourd’hui dans les analyses de sociologues comme J-M. Brohm. Au début du siècle, quand le sport n’est pas encore qu’une mode qui touche surtout les lycéens et étudiants, un polémiste y voit « le plus sûr moyen de former une génération de crétins malfaisants ». On s’inquiète à cette époque du peu de temps que consacrent à leurs études les sportifs qui représentent leur établissement. On s’inquiète aussi des tricheries, des violences qui attestent que le résultat compte plus que les moyens employés pour y parvenir. On critique cette « vaine gloriole » attisée par la presse sportive qui fait de certains jeunes athlètes de « redoutables cabotins »
Il faut bien reconnaître que très tôt la chronique de faits divers sportifs alimente les inquiétudes et que Georges Hébert, par exemple, ne manque pas d’arguments lorsqu’il écrit « le sport contre l’Education Physique » (1925). C’est dans cet ouvrage qu’on peut lire que les « Jeux Olympiques se présentent comme une foire internationale du muscle, sans portée éducative. (P. 94) »
Les analyses de certains sociologues contemporains – nous avons cité plus haut J-M. Brohm – vont plus loin. Elles considèrent le sport comme un puissant facteur d’aliénation. Aliéner, c’est déposséder, rendre étranger. Le sport moderne dépossède le sportif de son corps pour en faire une machine à haut rendement. Il dépossède le sportif de sa liberté individuelle en le soumettant aux directives des entraîneurs, aux ordres d’un système qui décide de son emploi du temps, de ses activités. Enfin, au plan social, le spectacle sportif apparaît à la fois comme une source de profits pour la classe dominante et comme un moyen d’endormir la classe dominée : un opium du peuple.
Le dopage qui ruine la santé et fausse les confrontations, les scandales financiers de toute nature, les violences, qu’elles soient des sportifs ou des spectateurs, ne sont pas considérées comme la face sombre et négative d’une réalité qui pourrait en avoir une autre, mais comme la révélation de ce que serait la vraie nature du sport : un instrument de pouvoir et de domination aux mains de la classe dominante, au service de ses intérêts, au service de la perpétuation d’une société inégalitaire. Les valeurs du sport – rendement maximum, affrontement poussé, éloge au champion sont considérés comme le reflet des valeurs de la société industrielle bourgeoise.
Le sport est au service de l’ensemble des règles par lesquelles les dominants, qui les font accepter aux dominés, consolident leur pouvoir, et de l’ensemble des rêves par lesquels ils rendent acceptable une situation d’oppression. A Rome, pendant que le peuple hurle sur les gradins du cirque, l’empereur règne sans partage.
Le sport n’est pas moral, mais peut le devenir.
Une deuxième attitude vis à vis du sport consiste à considérer qu’il peut être du point de vue moral, la meilleure ou la pire des choses. Sa valeur morale dépend de l’usage qu’on en fait, de la manière dont on l’enseigne et selon laquelle on l’organise.
Bref, pour que le sport ait une valeur morale, il est nécessaire qu’il soit orienté vers l’éducation et le développement des personnes et pratiqué dans un esprit que désigne en général l’expression « fair-play » que traduisent dans notre langue l’adjectif « chevaleresque », un peu désuet, le substantif « panache », l’expression « esprit sportif ».
Dans une formule souvent citée, Maurice Baquet, qui fut un des promoteurs de l’éducation sportive, affirme que « le sport a des vertus, mais des vertus qui s’enseignent » soulignant par là le rôle du pédagogue. Incontestablement le sport apparaît comme un moyen de former les caractères. On parle souvent à ce sujet jusqu’au milieu du XX° siècle, de virilité. On évoquerait plutôt aujourd’hui son rôle comme « école de décision ». Encore faut-il, pour que cette formation du caractère n’aboutisse pas à forger des hommes déterminés mais féroces, que des éducateurs exemplaires leur apprennent à mettre au service du bien les « vertus viriles » ainsi développées.
Les chartes, les principes, les « dix commandements » énoncés, affichés, rappelés dans les cérémonies et au moment de la remise des médailles vont dans le sens d’une telle moralisation qui se surajoute à la pratique et se donne pour but de l’orienter.
Et l’histoire semble confirmer une telle conception, lorsqu’elle attire notre attention sur le rôle du sport comme instrument d’endoctrinement d’une jeunesse par les régimes totalitaires et les cadres sportifs qui se mettent à leur service. Mal orienté, le sport peut, semble-t-il, servir les intérêts des régimes dictatoriaux, peu soucieux du respect de l’homme et des libertés, comme furent ceux de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie, de la France de Vichy.
L’identité du sport est dans la morale qui le fonde.
Aux deux théories qui viennent d’être présentées, on peut en préférer une troisième, celle qui affirme que son originalité, comme mode d’organisation des activités physiques d’une société tient à la morale qui le fonde et l’organise, même s’il faut bien reconnaître que le danger de s’en écarter est bien réel. Ce qui a pour conséquence de souligner nos responsabilités.
A la théorie socio-politique du sport comme « reflet » d’une société inégalitaire on peut opposer :
1. que la démocratie parlementaire est, jusqu’ici, la forme d’organisation politique la plus ouverte et la plus soucieuse du respect de l’homme, celle où l’exercice du pouvoir est le mieux partagé et le moins violent ;
2. que le sport est une institution originale, relativement autonome, construite par les sportifs pour le développement de leurs pratiques. En sport, « on assemble tout exprès pour s’opposer ». Alors que la société repose sur le refus de l’affrontement violent de ses membres, le sport fait de l’affrontement la base de ses pratiques. La violence n’est plus niée, mais soumise à des règles.
A la théorie du sport comme moyen que l’on peut orienter vers le bien ou vers le mal, selon le cas, comme s’il était neutre et sans consistance, on peut objecter :
1. Que l’utilisation des pratiques sportives par les Etats totalitaires qui les associent d’ailleurs en général aux pratiques d’hygiène, d’entretien et à la préparation militaire, en transforme le sens : il ne s’agit plus de sport, parce que le sport sans le « mouvement sportif », les clubs, les fédérations et leur relative autonomie n’est plus le sport.
2. Que les situations sportives se caractérisent par une logique propre – dite aussi logique interne – qui ne leur permet pas de servir de manière cohérente n’importe quel objectif. A trop vouloir dans le sport poursuivre des buts qui lui sont extérieurs – profit – gloire – puissance, on s’expose à perdre de vue le sens même de la pratique sportive, et aux plus graves échecs – ceux que la communauté des sportifs ne peut pardonner.
Compte tenu de ces critiques des deux positions précédentes, il semble bien que la troisième soit justifiée. Le sport se définit de son point de vue comme un ensemble d’activités dont le sens est dans l’action motrice, codifiées de manière compétitive et donnant naissance à des institutions originales. Cette définition, empruntée à Pierre Parlebas nous permet de souligner l’originalité et la portée du sport : il est évidemment pratiques motrices, il est ensemble de règles et institutions qui les garantissent. Comme les jeux traditionnels, les sports qui leur succèdent reposent sur un « contrat ludique » ce qui s’ajoute, dans le cas des sports, c’est que toute une série d’institutions est créée pour veiller au respect du contrat.
Aux origines du sport moderne, différent en cela du sport grec, des jeux romains, des concours du Moyen-Age, on trouve la morale utilitariste. Elle repose sur deux principes. Selon le premier, ce qui est bon pour l’individu l’est aussi pour la communauté, l’équipe, le club, la fédération. Le sport implique une solidarité, il est fédérateur, il permet de transcender les individualités en vue d’une victoire au bénéfice de tous.
Selon le deuxième, entre les éléments qui s’affrontent, la compétition n’est pas la guerre qui vise la destruction de l’autre mais la concurrence, considérée comme moteur du progrès. En sport, j’ai besoin de mes adversaires pour faire mieux. J’ai besoin de leurs progrès pour témoigner le miens. Il est le moyen de reculer mes propres limites en m’améliorant sans cesse.
Les pratiques physiques, par l’engagement corporel et les risques qu’elles impliquent sont particulièrement révélatrices des attitudes des sociétés à l’égard de la violence. Celle-ci reste longtemps forte, à la mesure des sociétés guerrières. C’est le cas en Grèce. C’est le cas à Rome où le cirque inaugure un traitement de la violence par le spectacle barbare. Aux époques chrétiennes, l’Eglise tente de la régir de l’extérieur, en imposant ses règles aux pratiques physiques d’affrontement spectaculaire comme elle le fait pour la guerre. Le sport moderne apparaît comme une solution originale : les règles ne sont plus énoncées du dehors, mais fondent la pratique. Le sport trouve son sens dans une morale. Suscitant, à partir des règles conventionnelles qui le rendent possible une sociabilité et des institutions, il constitue une réponse originale au problème posé par la violence à toute société.
Alors qu’il cultive la force, il refuse cependant le droit du plus fort et fait preuve qu’elle atteint son expression la plus riche et la plus spectaculaire dans le respect de l’adversaire et des règles, lorsqu’elle est mise au service de valeurs acceptables par tous, et dont nous avons le sentiment en les acceptants qu’elles nous rendent meilleurs.
Valeurs du sport et olympisme.
Dans la mesure où les Jeux Olympiques sont la plus prestigieuse des grandes manifestations sportives on peut, en les analysant, mettre en évidence les principales valeurs du sport moderne.
Vient d’abord la valeur d’excellence : il s’agit d’aller le plus loin possible, au-delà des limites corporelles. Elle s’illustre dans les épreuves-reines encore mieux qu’ailleurs : athlétisme – natation – gymnastique – dont les finales sont aussi les plus suivies.
Vient ensuite la valeur d’universalité qui regroupe l’ouverture à tous, le respect des différences et l’éloge de la fraternité. Il s’agit de dépasser les limites des appartenances sociales, nationales, à la rencontre de l’autre. Cette valeur s’illustre en particulier dans les cérémonies qui sont encore plus suivies par les téléspectateurs et le public que les épreuves. Elles symbolisent l’esprit des Jeux et attestent qu’ils trouvent leur sens et leur portée dans le fait qu’ils sont au service d’un système de valeurs – l’Olympisme – et non de toute autre cause.
On peut faire l’hypothèse selon laquelle la réussite des Jeux tient à leur capacité d’incarner les valeurs de l’Olympisme pensé par P. de Coubertin qui sont celles du sport moderne. Et que leur échec pourrait venir un jour du fait que le public n’y verrait plus qu’un gigantesque spectacle, une force « internationale » ou pire, l’équivalent moderne des jeux du cirque de la décadence romaine.
Que retenir, au terme de ces analyses ?
L’éducateur sportif, dans l’exercice de son métier, respecte une déontologie professionnelle : respect de ceux qui lui sont confiés, de soi-même, de ceux avec qui il peut être amené à travailler. Il partage cette déontologie avec les autres éducateurs.
Il partage aussi avec eux, mais selon des voies qui lui sont propres, l’exigence d’une réflexion sur les finalités qu’il poursuit. Elle se traduit, pour lui, par une réflexion sur le sens des pratiques sportives, leur portée culturelle, le type d’homme qu’elles proposent de contribuer à former.
Puisque le sport a ses valeurs, il lui faut construire la définition, en analyser les relations avec celles des autre grandes institutions caractéristiques de la société et du temps dans lesquels il vit. Il lui faut aussi s’interroger sur leur universalité que semble bien illustrer la mondialisation du sport et de l’Olympisme et sur leurs limites comme sur ce qui les menace. Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que l’histoire ne manque pas d’exemples d’une récupération du sport au service de valeurs qui ne sont pas les siennes et qu’un pédagogue soucieux du respect de l’homme ne saurait accepter.