lundi 13 juin 2011

l'homme conscient.

L’amour conjugal, encensé dans le Cantique des Cantiques, doit être célébré comme un chant d’amour proclamant l’union de l’âme avec le Principe UN.
Il y a un moment où l’Homme souhaite, à tout le moins faut-il l’espérer, rencontrer « le secret des secrets », celui dont la révélation provoque un changement d’existence ainsi que de vision : une RE-naissance de l’homme à lui-même, une catharsis.
Selon comment le lecteur va lire et interpréter ce texte – le Cantique des Cantiques -, il comprendra d’une manière charnelle ou spirituelle. Si l’éveil spirituel s’est produit, alors l’intuition a déchiré le voile – le pot aux Roses – et l’homme pénètre le saint du saint, c'est-à-dire qu’il pénètre enfin dans l’arcane du secret où le Principe UN se révèle à celui qui en accepte la vérité.
Le Cantique des Cantiques est fidèle à la pensée et tradition juives. Rabbi Yossé nous rapporte que le roi Salomon entonna ce chant pendant qu’on bâtissait le Temple. Ce chant embrasse la Thora. Rabbi Nehemie dit : «  Bienheureux l’Homme qui pénètre dans les arcanes du Cantique des cantiques. Un tel homme plonge dans les profondeurs de la Thora, il atteint la sagesse suprême et il élève devant Dieu le présent, le passé et l’avenir. » Nous voyons donc qu’Israël, par ce Cantique, en célèbrant l’alliance d’une communauté avec Yahvé, célèbre alors l’alliance de CHAQUE Homme avec le Principe UN.
Dans le Cantique des Cantiques on parle du Baiser de l’Epoux et de l’Epouse qui signifie étreinte et extase. Il faut lire cette affirmation à plusieurs niveaux. Sur le plan terrestre, cela va de soi. Dans la pensée Juive, lorsque un homme et une femme s’accouplent, la Schekhina – la présence divine – plane sur eux : ils ne font plus qu’un. Comme en chacun d’entre nous, coexistent l’anima et l’animus qui ne font qu’un en nous. De même l’union du Principe UN – macrocosme – et nous-même – microcosme -. C’est l’épouse qui avec ses seins, allaite et nourrit les « âmes neuves »… Ce symbole, les seins découverts, est repris dans les statuts de femme ou sur les toiles de grands peintres : entrainant le peuple vers la liberté… ou la vérité sortant du puits (Tableau d’Edouard Debat-Ponsant).
Un seul point commun se présente entre l’individu charnel et l’individu spirituel : ils ne sont, l’un et l’autre, jamais rassasiés. Celui qui aime l’argent n’est jamais rassasié, celui qui aime la luxure n’est jamais repus, celui qui aime la gloire n’est jamais satisfait, écrit St Bernard dans son traité sur la Conversion des clercs. Quant à l’individu spirituel, lui non plus n’est jamais rassasié, car sa faim de connaissance s’accroit dans la mesure où, ayant compris ce qu’est le V.I.T.R.I.O.L., il aspire toujours à une union plus profonde.
Le symbole du Cantique des Cantiques n’acquiert son sens véritable que dans l’union de l’Epoux et de l’Epouse, du divin au terrestre. Sont unis l’extérieur et l’intérieur de telle sorte qu’il n’y a plus ni extérieur, ni intérieur, ni masculin, ni féminin. Le visible devient le reflet de l’invisible, le terrestre s’accorde au céleste et lui fait face. Le langage symbolique du Cantique des Cantiques a pour fonction de relier le charnel au spirituel, le terrestre au céleste, le visible à l’invisible.
Ce n’est pas évident, les sens de l’Homme sont inadaptés à l’invisible. L’individu ne croit que se qu’il voit – St Thomas.
Aux différents degrés de la  voie de cette restauration de la compréhension du symbole allant du charnel au spirituel, du perceptible à l’invisible, correspondent les diverses interprétations du symbolisme qui se placent sur un plan extérieur ou intérieur, terrestre ou céleste : un plan en miroir.
Je prends cet exemple – la nativité du Christ - pour expliciter mon propos.
L’individu charnel va méditer sur un enfant Jésus naissant dans la crèche d’une étable à un moment déterminé dans un lieu précis. C’est ce que le Nouveau Testament atteste. Lorsque l’individu ordinaire, à Noël, va regarder la représentation de la Nativité de l’enfant dans l’Etable, entouré de l’âne et du bœuf, dans l’église de son village, cette vision lui provoque une émotion passagère et suscite un sentiment d’affection qui disparaît, souvent, dès que la pensée quitte l’objet de sa réflexion. « La vie continue, on passe à autre chose. » Il en est de même pour certains Maçons qui sont entrés dans le Temple en « visiteurs », en se mentant à eux-mêmes et aux autres, trouvant là, enfin, matière à mettre leur ego en valeur. Certains timides, trouvent là, le moyen de s’exercer à parler en public, l’ancienneté aidant, à occuper un Office, puis devenant une Lumière de sa Respectable Loge, soupirant, après un  hypothétique parcours, au Vénéralat. Le Maçon devient enfin quelqu’un reconnu par ses pairs et il pense donc être consacré alors que l’Initié pensera la même chose en deux mots : cette langue des oiseaux, rarement utilisée au grand jour,  est toujours d’actualité.
L’individu spirituel méditera ce même symbole à un tout autre niveau. Pour lui, cette nativité figure l’union de l’humain et du divin, de la raison et de l’âme, de la raison et de l’intuition, et qui se poursuit dans chaque être. Le postulant Franc-maçon vivra, en réel, dans le Cabinet de Réflexion, puis durant la cérémonie de l’Initiation, cette métamorphose. Cette renaissance à soi-même constitue un état d’être, un mode de penser et d’agir et, donc, d’exister par la suite. Les rapports avec soi-même et les autres – tous les autres – deviennent différents, plus vrais parce que plus subtils et perçus au-delà des limites des sens. A partir de ce moment magique, tout nouvel Initié apparaît comme un Christophore ou, pour le moins, en capacité de le devenir. La révélation de cette présence du V.I.T.R.I.O.L dans l’individu crée un nouveau mode de relation, de connaissance et d’amour à l’égard de lui-même, d’autrui, du Principe UN, de l’univers dans sa totalité. « Là où il naît – l’Homme conscient – il se manifeste » dit St Bernard. La subtilité universelle, la communion subtile remplacent la prison corporelle en mariant l’esprit à l’infini où toute notion de limite de temps et d’espace s’efface d’elle-même, disparaît naturellement puisqu’elle n’a pas de raison d’être.
Prenons un autre exemple appréhendable : celui du soleil.
L’individu ordinaire se tiendra au soleil extérieur, visible dans ses bienfaits et aussi sous son aspect néfaste pour la sécheresse qu’il occasionne ou par la brûlure de la peau sur la plage.
L’individu spirituel considère le soleil dans sa réalité externe mais il sait aussi qu’il ait un autre soleil, celui qui illumine l’homme intérieur qui éclaire sa propre terre, sa propre concrétisation.
Si le soleil extérieur féconde et fait germer fleurs et fruits, le soleil intérieur possède sa propre fécondité, il engendre les fruits de l’esprit. L’individu conscient, en qui le soleil intérieur se lève, éclaire non seulement sa propre terre mais propage sa clarté et sa bienfaisance sur son environnement. De même que le vent se charge dans la nature d’entraîner le pollen, le souffle de l’homme conscient répand le germe non sur les fleurs mais dans le cœur de l’homme.
Regardons cette douche mystique que nous a léguée l’Egypte Ancienne. Le Soleil baigne le Pharaon de ses bienfaits. N’est-ce pas ainsi que cela se passe lorsque l’homme conscient s’abandonne au calme de sa psyché et visualise ce soleil qui l’inonde qui lui révèle la solution qui attend de se matérialiser, de se concrétiser ?
                                                               

Quelques mots pour orienter le lecteur : Soleil, Terre, Esprit, matérialisation, anima, animus etc… Ici le soleil régénère l’esprit de l’homme.

Comme nous le constatons, le symbole appréhendé à un niveau spirituel devient pont, présence, langage universel, vie conçue dans un tout ordre : celui de l’éternité et il est compris quel que soit le « dieu » de l’homme spirituel puisque celui-ci est principe UN. Le symbole de l’homme ordinaire est privé d’écho, avec l’homme conscient, Initié, le symbole est VERBE créateur et puissant, vivant et lumineux.
Le symbole se présente à tous, il s’offre au regard avec la même magnificence de sorte que le soleil éclaire le bon ou le  méchant. Le choix relève de chacun d’entre nous, de nos appétits, de la qualité de l’amour que nous portons, de la liberté de choix. Si le symbole est rarement envisagé dans la profondeur de son contenu, c’est uniquement parce que ces hommes s’en détournent ou qu’ils ne le remarquent pas, souvent trop occupés au sein du troupeau des hommes à glorifier leur ego, préoccupés par le paraître. L’homme est toujours le même, il préfère l’avoir à l’être, le « moi-je » au «je suis », le profane au sacré, le terrestre au céleste… Pauvres êtres handicapés par la barrière de leurs sens limités, parfois atrophiés et ignorant que ceux-ci sont restreints – par rapport à l’animal.
Quand à l’homme spirituel qui appréhende le mystère du symbole et le vit en lui-même, il n’émet pas le vœu de s’écarter de la collectivité, il souffre de ne pas pouvoir partager son trésor. Ce n’est pas lui qui s’écarte d’autrui, c’est autrui qui s’écarte de lui. Cet homme possède une connaissance : il est le pèlerin de St Jacques de Compostelle, de la Jérusalem céleste et, de ce fait, voué à une marche ascendante. Il est relié au monde de l’invisible dans lequel il se meut, il sait qui il est, il sait d’où il vient, sait où il va. Sa certitude relève de sa foi en lui-même et ses actions le démontrent : le professeur dans son enseignement, l’artiste le témoigne dans la pierre qu’il sculpte ou le peintre dans les couleurs choisies pour son tableau...
L’homme ordinaire, lui, tourne son regard vers le ciel dont il attend clémence et protection telle devant «Sainte Marie-Majeure » la statue de Monseigneur de Belsunce qui était l’Evêque de Marseille durant la peste de 1720. Châteaubriand, relate dans ses Mémoire d’outre-tombe :
«  Quand la contagion commença de se ralentir,

Monsieur de Belsunce, à la tête de son clergé, se transporta à l’église des Accoules : monté sur une esplanade d’où l’on découvrait Marseille, les campagnes, les ports et la mer, il donna la bénédiction, comme le pape à Rome, bénit la ville et le monde ». Il est vrai, déjà, que les échevins (les conseillers municipaux de l’époque) ne furent pas à la hauteur de la situation sur ce désastre sanitaire. Un peu plus loin, aujourd’hui occulté au regard averti, un pilier que nous avons pu photographier Guy Tarade et moi-même où le Serpent solaire féconde l’Ovule terrestre. Cela n’est pas sans évoquer le Soleil qui baigne de ses rayons le Pharaon.
Le symbole, que l’homme conscient connaît, crée un rapport entre la source originelle de l’homme et sa finalité. C'est-à-dire, comme nous venons de le montrer que le symbole conduit l’homme de son origine à son terme, cette origine et ce terme étant l’un et l’autre de nature du Principe UN.
Le symbole est un langage particulier que seul l’homme conscient peut comprendre, peut éveiller et rendre plus appréhendable. Il traduit l’inexprimable. Comment traduire la beauté du soleil ? L’arbre de la connaissance pour les Soufistes ? L’arbre de vie pour les Chrétiens ? (dont il existe une représentation à la Cathédrale la Majeure à Marseille) Comment communiquer à autrui la puissance du Principe UN ? Pour que le Logos se révèle il faut le matérialiser dans la pierre, l’architecture, la peinture, la couleur. Ces formes, ces couleurs résonnent en chacun de nous en un écho subtil et éclairant, nous interpellent. Qu’importe le support, il faut lui donner une forme qui dévoile l’intraduisible et jette un pont, trace une nouvelle route, ouvre un nouveau réel entre deux dimensions : le soi à soi-même, le soi au Principe. Dans la mesure où il se présente comme un langage révélant une connaissance, il est dévoilement d’une marche ascendante dans la connaissance et la compréhension.
Le symbole se présente comme un absolu. Pour le saisir, il convient d’éprouver en soi-même une soif de la connaissance, une ouverture constante, une soif de comprendre, de s’identifier au message. Lorsque cette approche imprègne peu à peu le découvreur comme une onde bienfaisante, le symbole livre son contenu, il se révèle rendant ainsi à l’homme sa dimension originale.
Pour Jung, le symbole se situe au centre de la psychologie. Il unifie le conscient et l’inconscient, l’avenir et le passé. De cette actualisation il donne un présent appréhendable, bien qu’en l’occurrence les dimensions en aient été magnifiées pour ses plus grandes satisfactions spirituelle et paix intérieure. Pour chacun de nous, selon son niveau de compréhension, le symbole détermine une préfiguration de l’évolution du sujet qui contemple le symbole que celui-ci soit matérialisé dans le Temple ou qu’il se manifeste par le rêve nocturne ou l’intuition. Ici interviennent les éléments qui constituent l’homme conscient, à savoir le plan physique, le plan émotionnel, l’inconscient, le mental, le causal et le spirituel. (déjà décrit dans l’approche de la PNL : cf ce blog) que l’homme ordinaire ignore. Nous y incluons les archétypes de l’inconscient collectif. Jung poursuit : «Aucun symbole n’est simple, car le symbole recouvre toujours une réalité complexe qu’il est difficile d’exprimer en une seule fois. Mon ami Guy Tarade, spécialiste du symbolisme, l’imagine semblable à l’oignon que l’on épluche, une première pelure en cachant une seconde et ainsi de suite ou semblable aux poupées russes - (Initiés, symbolisme et lieux magiques – ISBN 2-84461-020-X). Telle la science pure, le symbolisme est une science impersonnelle. Rappelons-nous Platon qui a eu recours à la symbolique de la Caverne pour nous expliquer comment l’homme ordinaire fonctionne. (cf dans ce blog « les méfaits du groupe….)
Le symbole se présente comme un signe signifiant, il est signe de l’invisible, du spirituel. Il révèle tout en protégeant. Ainsi le symbole dans sa réalité profonde atteste la présence du divin, il cerne le sacré, il est comparable à une révélation. Il est universel, il transcende l’Histoire, qu’il soit primitif, Egyptien, juif, chrétien ou maçon : l’homme conscient est partout identique dans sa condition humaine, sa quête est la même. L’initiation est la  naissance à la vie spirituelle et donc la naissance à l’homme conscient. Dans le Cantique des Cantiques, l’Epoux – le Principe UN – s’adresse à l’Epouse – l’âme de l’homme conscient – cette invitation « Ouvre-moi, je suis déjà en toi-même, mais ouvre-moi pour que je sois en toi avec plus de plénitude. Ouvre-moi afin que je puisse accomplir en toi une nouvelle entrée. Je te donnerai la rosée d’un nouvel élan d’amour… Je ferai tomber goutte à goutte sur toi les secrets de ma divinité. Dans le Christ en Gloire sur le fronton de nos cathédrales l’amande sacrée s’offre, l’intérieur du fruit apparaît.
Le symbole  est un mode de langage qui suscite un état de conscience. Celui qui le saisit, le lit, s’en imprègne, parvient à un autre échelon de l’échelle cosmique, il change de plan subtil, de plan de lumière.
M-M Davy dans Initiation à la symbolique romane (ISBN 2-08-081019-7) nous dit : l’expérience du symbole devient ainsi une expérience spirituelle ; elle est délectation, dilatation du cœur, tressaillement intérieur, épanouissement de l’âme… délectation et épanouissement qui vont donner l’ivresse de l’Harmonie, de la sérénité enfin retrouvée et réconciliée avec notre nature première… Cette expérience s’achemine de clarté en clarté, c'est-à-dire de symbole en symbole vers la lumière.
Victor Hugo affirme que les cathédrales dissimulent dans les replis de l’art gothique, des mystères autres que les grands mystères chrétiens dont elles sont la représentation muette et cependant imagée. La cathédrale est un livre d’images dont les illustrations sont parfois ruinées par le temps.
Là où l’homme ordinaire ne voit que représentations religieuses reflétant des scènes de l’Ancien ou du Nouveau Testaments, l’homme conscient déchiffre dans la pierre des messages de la Connaissance. Il faut reprendre le Mystère des Cathédrales de Fulcanelli pour en goûter toute la saveur.
Plus près de chez nous, à Marseille, il y a l’abbaye de Saint Victor, un des grands sites sacrés de France. Descendons dans la Crypte. Depuis la nuit des temps, les pèlerins y vénèrent Notre Dame de Confession plus connue sous le nom de Notre Dame de Fenouil. Derrière ce terme ce cache ND de Feu Nou – du Feu nouveau…. A la Chandeleur, elle est habillée de vert, elle reçoit en offrande des cierges de même couleur. En alchimie, le vert représente le Spiritus Mundi (esprit du monde). Cette couleur est celle de l’émeraude et donc représente le saint Graal….


Le symbole, telle la Belle au bois dormant, ne demande qu’à être réveillé… Ce livre d’images, sculpté dans la pierre nous révèle à nous même. Au centre du triangle délimité par la Connaissance, le Vouloir et le Pouvoir (sur soi-même) se trouve « Doat » au centre de l’Arbre de vie cher à l’homme conscient.
En Grèce, le symbole (sumbolon) était constitué de deux morceaux d’un objet brisé, de sorte que la réunion, par un assemblage parfait, constituait la preuve de leur origine commune et alors reconnue et légitimée. Il est aussi un mot de passe. Il se réduit à un sens caché qu’il signifie et que l’initié saura lire, déchiffrer en tout état de cause. On peut dire qu’il représente le terme visible d’une comparaison dont l’autre terme est invisible.
A l’homme ordinaire de rassembler les deux morceaux afin de devenir un homme conscient.