jeudi 30 décembre 2010

Evolution de l'Individu - le dépassement du "moi-je"

La Maîtrise
Qui suis-je ? où vais-je ?
Les automatismes, l’habitude constitue le conditionnement de la pensée humaine. La force d’habitude est d’autant plus insidieuse qu’elle agit d’une manière inconsciente et souvent au détriment de l’individu. Cependant, si certaines habitudes ont des effets bénéfiques, d’autres sont perverses. En ce qui concerne les habitudes bénéfiques, il faut mettre en exergues les automatismes de la conduite, de taper sur un clavier sans regarder les lettres, tout ce qui fait gagner du temps dans l’exercice de sa profession par exemple. Ceci dit, la vigilance ne doit pas être exclue, bien au contraire. Cette mémoire manuelle doit permettre à l’esprit de vivre dans le présent. Si on reprend l’exemple de la conduite, les mains et les pieds savent ce qu’il faut faire sur la route, par contre l’esprit doit toujours être là sur ce qui peut – au moment présent – arriver et être toujours en alerte lors de l’imprévu potentiel. Les automatismes corporels feront ce qui doit être fait pendant que l’esprit trouve la meilleure solution au moment présent.
A l’analyse, c’est toujours l’esprit qui commande – bien ou mal – la direction des automatismes mentaux.
A-t-on conscience que, très souvent, nos actions en cours sont tributaires d’une mémoire enfouie ? Que nous allons souvent réagir – et non agir – par rapport à un passé dans nos opinions, nos actes ? Est-ce-que l’on se pose la question systématiquement lorsqu’un choix se présente à nous de savoir si aujourd’hui ce choix est bon alors qu’hier ce même choix était mauvais ?  Non ! Nous répondons à des stimuli d’une manière émotionnelle et non raisonnée. Or toutes les fois où notre mental projette un cliché mémoriel du passé trahissant un attachement à celui-ci, notre conscience s’en trouve déchirée. Combien de fois nous nous sommes surpris à hésiter entre deux possibilités dont l’une nous ramenait au passé alors que nous avons la l’opportunité d’être différent aujourd’hui ? Hier, la situation était ce qu’elle était avec un contexte particulier et aujourd’hui les éléments sont devenus tout autres, et pourtant, nous avons l’impression de trahir quelque chose : notre jeunesse, nos parents, une des catégories socio-culturelles de notre appartenance, notre Obédience, la coutume implicite de notre Atelier et que sais-je encore ?
Cette tension engendre le « moi je» car il faut bien choisir et tout choix divise alors que nous recherchons l’unité. Dans un groupe, les « je suis » individuels et individualistes vont-ils s’aider entre eux à se comprendre et s’enrichir mutuellement ou le « je suis » va-t-il céder aux autres et s’appauvrir ? apprendre à se renforcer en renforçant l’unité du groupe, de l’ensemble comme une cellule du corps qui a une vie propre (sans pouvoir se passer du corps) et dont le corps ne saurait se passer ? C’est-à-dire gérer une interdépendance équilibrée. On apprend cette notion aux élèves de management.
La fonction de la mémoire ne consiste pas à accumuler des souvenirs, des données, des automatismes, des habitudes, des addictions, des…., mais à comprendre le processus de son fonctionnement afin de s’en rendre le maître. Il faut savoir mourir à notre passé afin de vivre dans le présent. Cependant pour que meurt ce passé il est nécessaire d’en prendre conscience, d’éclairer cette part de ténèbres qui agit à notre insu, au détriment du « je suis ».  La mémoire ne peut mourir au sens propre du terme, un souvenir quel qu’il soit, bon ou mauvais, reste là, simplement il n’est plus opérant (s’il est exorcisé et dépassé) et c’est cela l’important. Celle-ci reste une trace, une empreinte dans la vie de l’individu, une expérience. Etre délivré de l’emprise de notre passé autorise l’individu à recouvrer sa liberté face au déroulement des processus « causes-effets » plus ou moins inéluctables et prévisibles qui ont fabriqué le « moi je ». Ce « moi je » est-il conforme au « je suis » ? Essayons d’y voir plus clair.
Pour répondre à cette question il nécessaire de remonter à la source de notre naissance. Car avant de naître, il y a eu la procréation, la méiose qui est l’apport des 50% du patrimoine génétique et psychologique de chaque parent. A partir du zygote (cellule-œuf) issu de la fécondation, de nombreuses mitoses vont former un embryon qui deviendra le fœtus. Après la naissance l'enfant passe par un stade jeune et ce n'est qu'après la puberté et pendant sa vie adulte qu'il y aura maturation de ses gonades (glandes sexuelles) qui produiront des gamètes (cellules reproductrices: spermatozoïdes ou ovocytes). Les gamètes transmettent le matériel génétique (chromosomes) d'une génération à la suivante : ce matériel peut être étudié en réalisant un caryotype. Celui-ci est constitué de l’ADN et l’ARN.
Il est important de savoir que l’ADN ne renferme pas uniquement notre bagage physique comme notre couleur de cheveux ou des yeux, notre amour pour les maths ou la philo, ou l’explication de notre fort QI qui nous vient du…. Ou de….. Anne Ancelin Schützenberger professeur à l’Université de Nice nous explique aussi que la mémoire de l’ADN renferme les petits - ou vilains - secrets de nos aïeux. Aïe, Aïe, Aïe !
Et nous voilà à  notre naissance avec notre inné. Tout à fait semblable à un appareil enregistrable – particulièrement performant - qui va inscrire tout ce qu’il voit, entend, sent, touche, goûte et aussi l’ambiance dans lequel il se trouve. Tout cela sera archivé. L’individu progresse dans sa connaissance en comparant toute situation nouvelle avec une situation ancienne vécue, par nous même ou un proche. La qualité de cette mémoire ancienne influencera aussi, plus ou moins fortement, la vision de la situation vécue présentement.
Si par analogie, nous comparons notre cerveau à un appareil enregistrable, sa composition est faite d’éléments ayant des propriétés spécifiques, il en est de même celles que nous donnent nos parents et ancêtres. Bien que neuf cet appareil – ou nos cellules – réagit à l’environnement ambiant et en modifie et/ou en renforce « le récepteur ». Ces traces laissées sur la cellule se nomment engrammes et vont automatiquement agir sur la conscience de l’individu comme une paire de lunettes de couleur plus ou moins déformante. Face à une donnée, chacun voit sa vérité propre, ou un aspect différent. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer une Tenue lorsque la Parole circule.
Tout ce que nous voyons et ne voulons pas voir, tout ce que nous entendons et ne voulons pas entendre, etc., s’inscrit dans les neurones sous l’action cérébrale. Ainsi s’accumulent les engrammes qui se transmettent de cellules en cellules en dépit de leur renouvellement, perpétuant, à notre fort défendant, les mémoires d’habitudes de notre « moi je ». Cependant, en prenant conscience de…., à l’occasion d’une abréaction, ou en changeant consciemment de pensée, ou passant d’un mode de pensées négatives à un mode de pensées positives, survient la naissance véritable du « je suis » transforme l’individu et les nouvelles cellules prendront en compte ce nouvel engramme. Dans ce processus, un fait retient notre attention : il est une unité de direction – une cohérence apparente – dans l’œuvre dégradatrice de la force d’habitude.  Chaque mémoire nouvelle se trouve instantanément conditionnée par l’ensemble des mémoires anciennes. De fait il est nécessaire de persévérer afin de changer les forces d’habitudes. Ce n’est pas la mémoire du « fait vécu » qui est le plus important, c’est le fait ET l’émotion de ce fait qui sont archivés et restera, en souvenir seulement le ressenti de l’émotion. C’est cette trace de l’émotion qui va ressurgir et agir sur le présent de demain, lorsqu’un nouveau fait semblable sera réitéré. (Effet rebond ou effet élastique étudié par Daniel Wegner).  
Toutes les activités de l’esprit – formatées par les forces d’habitudes - s’inscrivent dans un cycle rigide. La tâche urgente qui s’impose à l’homme consiste donc à briser celui-ci. Il serait utile que chaque Compagnon, comme le faisait leur prédécesseur qui taillait leur pierre, utilise « la sub ascia », cette hache à double tranchant, outil sacré des maîtres tailleurs de pierre. Cet instrument distingue l’initié qui a réussi à trancher les liens qui l’unissaient au monde profane. Il a équarrit ses passions en taillant dans le vif se rendant perméable ainsi à toute idée du dynamisme de la vie. La hache fend le bois mystique, elle permet l’ouverture du centre pour en délivrer le contenu caché ésotérique, le monde de la lumière. (Les Sites magiques de Provence – Guy Tarade)
N’est ce pas ce travail que devrait entreprendre tout nouvel Initié ? Le savoir n’est il pas le début de la Sagesse ? Est-ce que ce phénomène est pris en compte par les Frères de l’Atelier ? Encore faudrait-il qu’ils en soient conscients. Si c’était le cas, ce que perçoit et reçoit le nouvel Initié serait semblable pour le profane, que j’imagine comme un seau d’eau trouble, qui serait mis sous le robinet d’une eau propre et salvatrice, permettant à cette eau trouble de trouver son calme et devenir elle-même pure. Faut-il encore que l’eau – la parole des Frères – soit exempte d’ego, de conditions d’appartenance à …. repoussant l’autre groupe comme étant …, mais tolérante, fraternelle et pleine d’humilité. L’ambiance de la Tenue dans le Temple conditionne les perceptions du cerveau de chacun, il ne faut pas l’oublier.
Sans ses pensées, le penseur n’est pas. Pour qu’il y ait pensée, il faut avoir conscientisé ce qui est enfoui dans l’inconscient, sous forme de mémoire, de symboles, d’archétypes. Et l’homme sans pensées, qu’est-il ? Un être dominé par les forces d’habitudes qui répond aux sollicitations de l’instinct…., des désirs inconscients ?
Le siège de la pensée est le cerveau. Considérons-le comme un point, d’un centre de perception doué d’une sensibilité prodigieuse. Imaginons-le, par exemple, comme un appareil capable d’enregistrer toutes les perturbations électromagnétiques, toute modification. Cet appareil est dénué de personnalité, et pourtant va tout enregistrer, autour de lui comme un magnétophone enregistre tous les bruits environnants. C’est fabuleux ! A peine né l’instant vécu prend place dans le système de la mémoire, du souvenir. Le voici enregistré, déposé, classé, comparé, reconnu et momifié. Désormais il repose quelque part, dans la trame des engrammes d’où la mémoire saura, au besoin, l’exhumer. La continuité vraisemblable du moi défini par ses attributions physique et psychique –voir K. Lorenz et Freud – ne repose-t-elle pas sur ces inscriptions sur la substance nerveuse ? Qu’en est-il de la qualité du support ? L’entrecroisement des souvenirs, avec leur infidélité, leurs parasites, les courts-circuits tissent à travers la masse organique un sous-produit graphique : le « moi-je ». Combien de commissaires de police lors d’interrogations poussées de différents témoins, se sont-ils vus confronter à cette difficulté alors que chaque témoin est sûr de lui, de ce qu’il a vu, entendu, etc. ?
Sur ce qui n’était qu’un simple processus impersonnel, non individualisé, de perception pure, une entité – un « moi je » – s’est édifiée. Notre ego omniprésent, ce mystérieux plan de référence – le nôtre – qui réussit à s’insinuer partout, absorbant et revendiquant pour lui toutes activités, tous jugements de sa conscience, est-il autre chose qu’une somme d’expériences relatives ? Que j’eusse aimé me poser la question ce 12 avril dernier lorsque le Vénérable Maître me catalogua de « frontiste » – ouf ! pas moins.. Or le Vénérable Maître est la Lumière de la Loge, il était entouré de tous les Maîtres de cette Respectable Loge auréolés de leur savoir acquis dans les Loges Supérieures, mais, pour conforter leur propre ego, ils devaient se conformer à….. l’illusoire vérité affirmée par un Vénérable Maitre, connu et reconnu par ses pairs pour son conditionnement comportemental psychorigide. Certains Frères qui ont vu naître cette Loge ont été choqués par cet incident. Nous sommes très loin du caractère initiatique voulu et impulsé par les Fondateurs de cette Respectable Loge Mère. Ce qui prouve, que la vigilance ne doit jamais se relâcher. Mais dans ces Ateliers, ce qui est dit n’est pas forcément ce qui est fait. C’est pourquoi l’on peut dire que le Rite pratiqué dans cet Atelier, cette « porte » vers l’ailleurs, a été vidé de toute sa substance magique pour devenir une force d’habitude aussi perverse que toutes les autres.
Portons une attention sur le fonctionnement du cerveau. Il est le lieu où s’élabore l’image de notre « moi je», toutes nos représentations mentales. Et pourtant ce n’est qu’un amas de cellules nerveuses formant un réseau complexe de synapses où leur action se transforme en un flux de phénomènes électriques et de continuelles dépolarisations et repolarisations à la vitesse de l’éclair. C’est finalement un pur champ d’énergies où se jouent les interférences d’ondes captées par tous les sens. Il y a là non la place à un moi statique et des images figées mais bien une réalité dynamique du mouvement. Que devient le « moi je » dans ce champ d’énergie ? Il est le point de conscience, ce point d’insertion entre ce champ d’énergie et l’extérieur comme la rétine est précisément le point d’insertion du nerf optique qui est aveugle alors que l’œil voit tout sauf lui-même. Notre faculté de connaissance est entièrement dirigée vers l’extérieur, vers le physique, vers le concret, non vers nous-même…. notre intériorité, notre « je suis ».
C’est pourquoi il est difficile de savoir pour soi même ce que nous sommes. Notre individualité ne peut être visible que dans le regard de l’autre. Non pour se mesurer à qui est le plus… haut, le plus fort, le plus gradé, le plus…( ?) que l’autre. « Si je te domine, j’existe, pas vrai ? » Mais pour qu’il nous serve de miroir pour mieux nous situer par rapport à nous même, pour mieux nous aider à grandir…. N’est-ce pas là une des caractéristiques bénéfiques du Temple où chacun dit sans contrainte et sans jugement afin d’en mesurer la progression de sa connaissance initiatique ? Il est l’endroit par excellence, s’il est bien compris, où le Maçon va limer sa force d’habitude – sa pierre – qui s’exprime par des automatismes mentaux afin de se dégager de son emprise. Il devrait avoir là, à sa disposition, une atmosphère, une ambiance propice pour aborder sa vie d’une manière neuve, différente. C’est l’endroit privilégié où le Maçon se retrouve face à lui-même et avec les autres, ses Frères. Il n’y a rien de saint dans ce quadrilatère, c’est l’esprit des Frères qui le rend miraculeux tout comme peut l’être une salle d’accouchement propice à donner la naissance, un nouvel être.
Pour la plupart d’entre nous le « mot » est devenu la « chose ». Or les mots ont une influence énorme dont l’action s’étend non seulement au domaine mental, et aussi à ceux de l’émotion et des nerfs. Le mot, la scène, l’emplacement dans l’espace peuvent être des charges émotionnelles particulièrement importantes. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un petit tour dans le « groupe action à Castrum» qui a pour objet de dynamiser les Frères et Sœurs et leur faire découvrir en eux les moyens de rebondir dans la vie économique. Il faut reprendre les travaux de Edward Twitchell Hall qui nous quitta le 20 juillet 2009 pour ceux qui n’ont pas vécu une session au Groupe Action. Il y a là une véritable renaissance à eux même, un auto-accouchement, et parfois initiatique pour certains…. Certains mots comme « pardon- succès- etc » déterminent une résonnance nerveuse et psychique considérable et salvatrice. Souvent, il ne s’agissait que de prendre conscience du caractère mécanique, automatique des réactions que suscitent en nous les mots, voire de non-dit qui en disent plus long que les « maudits ». Nous nous rendons compte, ici dans le groupe Action, mais non dans le Temple malheureusement, que les contenus mémoriels sont en grande partie formés par des mots, l’espace et bien autre chose, et sont intimement associés à des états émotifs. Malheureusement, nombre de Maitres pratiquant le REAA semblent imperméables à la magie du Rite. Un simple croquis présenté à certains a eu l’effet d’une découverte, d’une révélation. Alors qu’il aurait du être une évidence à leur grade.
Mais pour de très nombreux Maçons sincères, les termes « amour universel », « fraternité », « mes Frères me reconnaissent comme tel » « que cette lumière nous éclaire » « le Vénérable Maître siège à l’Orient….. il représente le foyer de concentration des pensées et des énergies des Frères de la Loge » ne sont qu’un simple complexe d’automatismes mémoriels enrobés dans la saveur agréable d’une douce quiétude malheureusement corrompue par le rythme de l’habitude. A chaque fois que l’on prononce le terme Orient, a-t-on en tête le terme « orientation » ? A chaque fois que l’on sert le terme « fraternité » a-t-on en tête que nous avons tous la même origine ? et que dire du terme « lumière qui nous éclaire », qu’ôter cet attribut à l’un d’eux est une atteinte grave. Que cataloguer un Frère de… est une atteinte forte à sa personne, au « je suis » qu’il est. Il est important d’en prendre conscience si l’on veut être un Maçon reconnu comme tel. Le Tablier ne fait pas un Maçon, combien l’oublient ? On ne peut être reconnu comme tel avec un comportement de chef de bande qui sévit dans une cour de récréation accompagné de toute sa bande. (je me suis retrouvé, tout enfant dans le bac à sable face à un petit caïd). Tout mot peut être ‘chosifié’ et perdre de sa valeur ou valorisé lorsqu’il est accompagné de son symbolisme, de sa signification, de sa représentation qui peut être différente d’un individu à un autre. Le mot ne peut être, dans certains endroits comme le Temple, utilisé sans précaution. Chaque mot dit peut être salvateur ou maudit.
Si le profane accepte les épreuves de l’initiation c’est qu’il est, lui, conscient de quelque chose qui lui manque pour devenir autre. En fait, des mots, des comportements, des attitudes profanes et parfois égoïstes qu’il pouvait avoir, il accepte de « laver » ses mémoires d’habitudes automatiques passées afin de libérer ses impulsions créatrices d’une réalité se renouvelant d’instant en instant. C’est donc à chaque instant présent que l’Apprenti, le Compagnon lavera ses mémoriels, que nous avons tous plus ou moins, afin de rendre disponible la « perception de ce qui est, ici et maintenant. » et vivre l’instant présent afin que des profondeurs – V.I.T.R.I.O.L. – monte à la surface de notre conscience et s’exprime par nos pensées, nos mots, nos actes. C’est là que le Maître dépasse son « moi-je »,  et devient « Je suis » s’il a dépassé ses forces d’habitudes, sinon, il s’approprie sans gloire son grade avec l’aimable complaisance des Lumières de la Loge.
Ceci signifie qu’il nous est nécessaire de nous dépouiller des résidus de la force d’habitude, ceci signifie que nous, jour après jour, mois après mois, années après années, d’Apprenti à Maître, sans relâche, polissons notre Pierre en toute humilité. Oui, parfois, l’âpreté du geste relâche, c’est que le chemin est long. Telle est la raison profonde de la vigilance constante que nous suggèrent d’adopter tous les Maîtres authentiques. Tel est l’enseignement que continue à me prodiguer mon Vénérable Parrain que je remercie ici. Merci Guy Tarade, mon Frère et Ami.
La vigilance est la voie qui mène à l’immortalité, la négligence qui conserve vivant les automatismes mentaux est la voie qui mène à la perte de soi. Cette vigilance est une vigilance d’attention. Cette notion est importante. « Attention » amène à une notion d’éveil – être en éveil – comme dans l’écoute active que l’on a devant son Frère qui se révèle à lui-même, où tous les sens sont alertes. Cela n’a rien à voir avec une vigilance de volonté ou d’une discipline personnelle. Lorsque le Maçon taille sa Pierre, il s’affranchit des contenus mémoriels – ses forces d’habitudes - de l’homme profane qu’il était et qui reste au fond de lui malgré tout. Je reprends ici l’analogie avec le profane qui vient frapper à l’entrée du Temple avec son seau d’eau trouble. A l’écoute des Maîtres de sa Respectable Loge, c’est comme s’il mettait son seau sous le robinet d’eau pure et, au fil des semaines, l’eau de son seau devient claire mais il reste au fond un lit de sable qui n’est autre que les restes de ses mémoires de conditionnement mental. Il est devenu un autre homme, il  ne s’identifie plus à cette eau trouble initial, il n’est plus attaché à celle-ci.
Ce fond de sable est, comme la mémoire, absolument nécessaire à la vie de tous les jours. Si nous l’effacions, comment retrouverions-nous notre chemin ? Cependant, dans la mémoire, il y a le fait – le chemin à suivre comme d’habitude – et l’identification et une association psychologique que ce chemin a pour nous. Il en va de même avec l’action d’écouter le Rite de l’ouverture des Travaux comme un fait, c'est-à-dire comme un ronron sécurisant. On ne peut, alors, polir sa pierre, reprendre force et vigueur au Travail sans cette vigilance toute éveillée. Le degré d’implication n’est pas le même ni d’ailleurs le résultat. Reprenons un autre exemple. Un architecte peut, grâce à son savoir mathématique et mécanique construire un pont, il utilise sa mémoire factuelle, d’automatisme mental. C’est normal. Mais si, se promenant sur le pont avec des amis, il s’en vante, il abuse et dépasse le rôle de sa mémoire d’automatisme mental pour se donner de l’importance. Il fait un amalgame entre le fait et sa signification… entre Etre et l’avoir. De même que le Vénérable Maître qui réunit une commission de Maîtres afin de rendre justice sur un frère soupçonné de trahison par une soi-disant démonstration politique virulente (par exemple) et l’accuser,  amalgame « fait et signification – Etre Maître et Avoir la décision », l’individu prend la place du symbole pour se mettre en valeur ? vis-à-vis de lui-même ? vis-à-vis des autres Maîtres qui l’assistent ? Surement au détriment d’un de ses Frères qu’il ulcère gratuitement. Il détruit la valeur du symbole du Maître, dont un Vénérable sait faire à bon escient le distinguo. Si celui-ci avait fait une simple enquête, il ne se serait pas fait mettre en situation de non-Maître. Ce qui pour un Vénérable Maitre à l’Orient, est une gageure ridicule.
Notre cerveau enregistre de la  même façon les mémoires acquises ou héritées, individuelles ou collectives, conscientes ou inconscientes. C’est un fait, il faut en être conscient et vigilant. Nous sommes des processus vivants et possédons une faculté d’agencement, de choix, d’association entre les différents enregistrements de nos engrammes. Ces enregistrements mémoriels se déroulent en nous au rythme d’une simple habitude, de simples automatismes rigoureusement inscrits dans les limites du connu, ce connu qui est terré dans notre inconscient biologique, culturel et personnel. Malgré que nous ayons appris à faire le pas du Compagnon, nous nous évertuons à aller du connu au connu, dans le cadre de nos acquis, modifiant une découverte par une nouvelle idée qui devient une nouvelle découverte. Le monde des applications informatiques nous en démontre l’extraordinaire foisonnement. En effet chaque prétendue « invention » est potentiellement contenue dans l’ensemble des acquis ou données qui l’ont précédée. Et si même l’ordinateur fait ses calculs plus rapidement que le cerveau, il ne reste qu’une machine sans âme.
L’homme libéré peut accéder à l’inconnu divin, au V.I.T.R.I.O.L., il est dégagé de tout égoïsme, de tout conditionnement psychologique, il EST, sans dieu ni maître selon la formule consacrée. La liberté spirituelle n’existe que lorsque cessent nos conformismes, nos habitudes, nos automatismes non conscients.
Laissez-moi reprendre un extrait de la Citadelle de Saint-Exupéry :
Il n’est pas que des logiciens, des historiens et des critiques que de n’accepter du monde que ce dont ils savent faire des phrases.
Car je pense moi, que toi, petit homme, tu commences seulement d’apprendre un langage et tâtonnes et t’y exerces et ne saisis pas encore qu’une mince pellicule du monde.
Tu appelais liberté ce pouvoir que tu as de démolir ton temple, de mêler les mots du poème… liberté de faire le désert.
Et où te trouveras-tu ? Moi j’appelle liberté ta délivrance.
Je connais deux sortes d’hommes qui me parlent d’un empire neuf à fonder. Celui-ci est logicien et construit par l’intelligence et je dis son acte utopie. Et il naîtra rien, car il n’a rien en lui.
Et l’autre qu’anime une évidence forte à laquelle il ne saurait donner un nom…. Celui-ci n’a pas agi par l’intelligence mais par l’esprit. C’est pourquoi je te dirai que l’esprit mène le monde et non l’intelligence »
Oui, heureux le Maçon qui comme l’Hermite est un cherchant. Il porte en lui la mémoire de l’homme. Armé du bâton, il nous rappelle que tout est vibration. Il est dépositaire d’une connaissance infinie qui lui confère un rôle de Maître et donc de Sage. Cette connaissance qu’il perçoit à l’intérieur de son âme, il est prêt à la transmettre à son tour. L’Hermite parle peu, il montre le chemin, il éclaire la route. Il fait alliance avec l’autre parce qu’il y a alliance d’abord avec soi-même. Faut-il le rappeler, souvent ce que l’on rejette chez l’autre, est très proche de ce que l’on rejette en soi-même. A contrario, nous recherchons dans l’autre ce que nous aimons en nous, une part manquante dont nous éprouvons la nostalgie comme le souvenir d’un être qui s’est momentanément absenté mais qui a laissé dans nos cellules une trace de son passage.
Les Compagnons sur le chemin de Compostelle tout comme les Maçons en Atelier cheminent et font alliance sur une force réciproque d’appui et sur un objectif conscient qui transcende les intérêts ou motivations individuels. Tous sommes alliés pour faire « quelque chose » ensemble dont nous n’avons pas toujours la claire compréhension. Nous sommes alliés dans le but d’utiliser la puissance particulière de notre fraternité et tirer profit des leçons données par l’expérience du quotidien. La Fraternité est une école qui forme à éveiller l’esprit, l’âme et le corps de l’homme.
On ne se « met pas ensemble » parce que l’on aime, on se « met ensemble » pour apprendre à aimer.
Au groupe Action, j’ai appris la fraternité inconditionnelle, à Lumière d’Ecosse, j’ai appris la solitude, l’intériorité, l’humilité et aussi la délivrance.
J’ai dit.
Louis Peyé  Le 5 juillet 2010.

Evolution de l'Individu : l'Action des forces d'habitude

L’Action des forces d’habitude de l’esprit sur l’homme.

Si nous portons notre regard sur la matière, nous avons l’impression qu’elle est inanimée et donc que la matière ne s’exprime pas. C’est ce que disent nos yeux. Pourtant, comme nous le démontre la physique quantique, le mouvement est intense en ses profondeurs. Un bloc de pierre subit les modifications de température et de pression du milieu ambiant : les industriels savent aujourd’hui reproduire ce phénomène pour fabriquer du faux diamant. Un matériau se constitue toujours dans les mêmes formes dépendant des dispositions atomiques relatives aux systèmes qui sont siennes. Nous avons donc une expression des forces intérieures du champ atomique vers une représentation du matériau à l’extérieur.
Il en est de même dans le règne végétal, où la sensibilité qui est plus grande, autorise une modification plus intense, plus rapide sur le cycle de l’année. Dès le printemps, il y a le bourgeon, la feuille, la fleur, puis le fruit et ce en l’espace de quelques mois et le cycle recommence. Pour l’animal, du fait de sa mobilité dans l’espace, il gagne en indépendance. Darwin nous a démontré son évolution en fonction du milieu. Parfois l’animal nous surprend par sa capacité d’adaptation à celui-ci lorsqu’il s’agit de survivre. Il a été constaté que des oiseaux herbivores sont devenus d’abord suceurs de sang ou mangeurs d’œufs avant de devenir carnivores, ne trouvant plus sur leur lieu de vie suffisamment de leur nourriture habituelle. 
Le minéral se soumet à sa structure atomique, le végétal, tout comme l’animal obéissent aux conditionnements et spécificités de chacune des espèces qui la composent, seul l’homme n’a pas choisi de se spécialiser. Tout animal court, saute, nage et a les sens plus aiguisés que n’importe quel Homo Sapiens-sapiens. Chez l’homme, il faut diriger nos regards vers un autre domaine  d’évolution : celui de la psyché. Le développement, chez l’homme, est maintenant plus psychique que physique. L’homme est un être vivant qui tient ses facultés et aptitudes y compris ses connaissances, d’un mouvement évolutif à croissance géométrique. C’est pouvoir dire que ce processus qui s’étend sur des millions d’années, au cours duquel tous les organismes se sont trouvés confrontés aux données de la réalité du milieu, s’y sont adaptés. L’homme en est l’héritier. Il s’agit donc de comprendre l’activité des connaissances en tant que phénomène vivant et avancer sur l’entendement de notre esprit. C’est dans ce domaine que l’homme ira vers plus d’autonomie et plus de liberté.  Si le règne de la force de l’habitude semble étendre sa puissance dans le domaine de la matière, tout autant que notre psychique, il  est pourtant possible à l’homme, d’échapper à son emprise. Nous savons médicalement que nos cellules naissent et meurent donc se renouvellent sans cesse. Pour preuve, je suis fumeur, et suis addicté, mes cellules sont donc celles d’un fumeur. Si je décide d’arrêter de fumer, tout le corps médical, vous dira qu’au bout d’un certain temps, les cellules sont celles d’une personne saine. Le fait d’arrêter de fumer provient du psychisme et non du physique. C’est dire que l’esprit a le dessus sur la matière. En a-t-on conscience ? Tout thérapeute vous confirmera du caractère soudain de la délivrance de forces d’habitudes. Cela s’appelle la catharsis, c’est un choc émotionnel important. C’est le prix à payer pour se débarrasser de la paresse due aux forces d’habitudes. Nous voyons bien qu’ici et très, voire trop, souvent notre histoire d’homme est une lutte au cours de laquelle s’affrontent deux tendances : l’inertie des forces d’habitude et le dynamisme de la force de vie.

Il ne faut pas que les forces d’habitude polluent notre mental. Prenons l’exemple du biologiste Baker de l’Université de Londres. Si nous plongeons des cellules d’un tissu vivant dans une solution colorante, les tissus vivants résistent à la pénétration. Dès qu’une action électrique violente entraine la mort du tissu vivant, la solution colorée pénètre immédiatement dans les tissus. Par analogie, si nous voulons que la Vie s’exprime dans le domaine de la pensée, nous devons nous affranchir des contraintes psychologiques du milieu ambiant anxiogène dans lequel on se sent être agressé. Il y a nous et il y a l’environnement – et par environnement j’entends l’univers politique, religieux, économique, Maçonnique, notre voisinage, notre parentèle, etc.,  dans lequel nous sommes. Ce sont deux choses bien différentes. Ce que veut l’environnement n’est pas forcément ce que nous voulons pour nous. Un mental réellement vivant ne se laisse pas envahir par les colorants mentaux qui l’entourent.

Les expressions de ces courants d’habitudes sont multiples et en constante évolution : ce sont mon église qui me fait croire que…, le marketing qui me fait croire que…, mon parti politique qui me fait croire que… une secte ou une autre qui me persuade que… Certaines Obédiences Maçonniques qui trouvent leurs sources et leur vitalité dans les Ateliers et qui, sous couvert d’amélioration de la société (selon leur slogan), font croire que ….. Les habitudes mentales, telles que les dogmes, systématisations, orientation et vision unique de la pensée en usage ici ou là, les croyances, idées fixes, distorsions cognitives, etc., jouent le rôle de colorants mentaux dont il est indispensable que le psychisme s’affranchisse s’il veut être disponible et choisir en conscience ce qui est bon pour lui et pour les autres.

D’où l’intérêt de nous remettre en question, de conscientiser nos peurs, nos désirs, ce que nous sommes réellement, de répondre à ces questions, d’où je viens, qui suis-je, où vais-je et pourquoi.

Maintenant, à la lumière de ce qui précède, nous allons résumer les particularités des trois phases de l’évolution psychologique de l’homme. La 1ère est la période de l’enfance où le « moi-je » se forme, la deuxième est la période où le « moi-je », s’étant constitué, se développe jusqu’à son complet épanouissement que l’on peut identifier à l’adolescence et enfin la troisième où le « moi-je » cède la place devant l’individu parvenu à maturité. (Période où justement l’individu brise son moi comme nous le verrons afin qu’il accède à ce qu’il est.) Pour mieux préciser ma pensée, chacun a été parent ou a été ou est entouré d’enfants pour comprendre.

Lors de la première période, c’est la naissance du « moi ». L’enfant, de quelques jours, ne fait pas encore la distinction entre lui et sa mère. Au bout de quelques semaines pourtant, sa personnalité s’ébauche et va se renforcer au fil des mois, des années. Les 36 premiers mois sont primordiaux disent les psychologues. Le petit de l’homme imite, copie, il ne pense pas encore par lui-même. C’est là que les « colorants mentaux du milieu ambiant : préjugés, croyances ou systématisation de pensées rigides » sont les plus absorbés puisque l’enfant n’est pas capable de savoir ce que son environnement lui donne, lui apprend et il prend sans savoir si c’est bon ou mauvais pour lui. Pour lui, papa – maman sont les archétypes du dieu vivant qui veulent son bien. Inconsciemment, il sait qu’il leur doit la vie, sa nourriture, son existence et son devenir. A ce moment tout ce qui provient de ses parents est un acte d’amour qu’il n’est pas prêt à remettre en cause. Penser que ses parents peuvent être anxiogènes est un non-sens. Dés que le parent délègue son autorité à l’école, la garderie, au voisin, tel le mouton de Panurge, l’enfant suit. Il subit l’enseignement culturel ambiant, aucune liberté, aucune initiative ne lui est accordée, il doit adhérer aveuglement aux opinions prédominantes du moment et du lieu où il se trouve. Si cet environnement est ouvert, initiatique, ce manque de liberté apparent lui permet de structurer ses apprentissages comme l’acquisition de la grammaire permet par la suite à l’écrivain de se manifester dans sa liberté d’expression. Où se trouve la limite entre une structuration de la personnalité et une déviance psychologique dont la puissance oblitère le jugement individuel de l’enfant, de l’apprenant ou en Maçonnerie, de l’Apprenti ? Tout se trouve dans la qualité du don sans arrière-pensée, voire dans la volition de l’éducateur. Notions bien abstraites qui cachent bien les intentions tout en restant dans la Vérité dont la couleur est changeante selon l’orientation de l’observateur et donc de l’initiateur, comme chacun le sait.
Que se passe-t-il dans un Atelier ? La similitude est grande.

Pendant les premières années de la vie, l’adulte s’installe dans le mariage, « fait son trou » dans la société économique puis, parfois, il se dit qu’il lui manque quelque chose ? Quoi ? Il se bat dans le monde matériel avec plus ou moins de bonheur et, un déclic, un manque se précise au niveau de la psyché. Il prend conscience que le spirituel est présent dans sa vie mais non suffisamment mis en valeur et qu’il faut en tenir compte. Certains entrent dans les Ordres, d’autres vont livrer bataille dans un Parti Politique, enfin quelques-uns frappent, par exemple, à la porte du Temple. C’est un nouveau départ, une remise en question : l’initiation n’est pas anodine, elle marque à jamais l’individu : il y a une manière de pensée différente de celle dont il a l’habitude. C’est un choc émotionnel certain.

1° Comme pour l’enfant, c’est la naissance du « moi ».
La personnalité maçonnique s’ébauche. Cependant la force d’habitude qui est sienne exerce son emprise toute puissante. L’Apprenti se trémousse sur sa chaise au septentrion. Il doit se taire. Il écoute, observe et petit à petit son comportement se modifie. L’Apprenti imite, copie mais ne pense pas encore par lui-même. Que connaît-il de la spiritualité maçonnique ? du symbolisme opératif ? S’il a la volonté de poursuivre, il  n’a aucun savoir et le pouvoir est détenu par le Vénérable Maître sis à l’Orient. Il n’est pas encore « Maçon », même s’il a droit au titre de Frère. Il cogite sur les Morceaux d’Architectures des Orateurs, sur les observations des Frères lorsque la Parole circule…. L’apprenti comme l’enfant peut subir l’envahissement des colorants mentaux du milieu ambiant (il semblerait que malheureusement certaines loges abritent des Frères qui, plutôt que rechercher la Vérité, se servent de leur Tablier pour chercher à palier inconsciemment (?) leur frustration ou un manque de reconnaissance dans le monde profane et trouver ainsi une compensation rassurante. Malheureusement, ce cas serait assez fréquent puisque les 0bédiences font la course à celle qui sera la plus importante en nombre afin de prévaloir d’une audience auprès du Pouvoir Civil). C’est, alors, le « dressage » appliqué pour répondre au besoin d’appartenance à ce groupe, à cet Atelier, à ce Rite là. Aucune liberté, aucune initiative mais une adhésion aveugle au Rite, à la Respectable Loge, à l’Obédience. Il n’a que le droit de se taire et écouter !

Si l’impétrant se trouve dans un Atelier d’Initiés, tout lui est permis : on lui expliquera ce qu’est une Porte, donc la raison du Rite, ce qu’apporte le fait d’être un initié et ses devoirs envers ses Frères, ce qu’est la Fraternité, et acceptera sa part de responsabilité dans le monde profane.

Sinon, il y aura désillusion et démission OU addiction au Rite qui viendra le bercer à moins qu’il ne sacrifie au Rite comme d’un moyen pour aller ailleurs en pérorant : « Je suis Maçon (quand il ne s’affuble pas du rang de l’office qu’il sert –ou dont il se sert-)  de la Respectable Loge de…   à l’Orient de …. ». C’est la confrontation de l’individu face au groupe dans lequel il vient d’être accepté. Ce que je dénonce ici est une manifestation d’une philosophie de masse, un « Mac-Donald », oui un « Mac-Donald » où la variété de pensée et de choix n’est qu’illusion publicitaire, le « prêt à l’emploi » spirituel  (une notice de « montage psychologique » imposé pour coller à l’équilibre type du groupe), et non ce que d’aucuns pensent y trouver, un endroit où l’homme va se confronter avec lui-même et comprendre d’où il vient, ce qu’il fait et où il va. L’enfumage de l’Obédience, de l’Atelier, du Rite, a détourné l’individu de sa quête spirituelle initiale. A moins qu’un incident ne lui révèle qu’il n’a plus sa place dans cette Obédience, dans cet Atelier, dans ce groupe… et qu’il est temps pour lui de changer de voie pour accéder à un nouvel équilibre personnel positif et constructif, celui qui le guide en permanence dans sa demande d’adhésion à telle ou telle société philosophique.

Ce n’est pas une secte, ce n’est pas une religion, l’individu adhère à un groupe où se mêlent des discours humanistes, des rites, des symboles et où la fraternité est moins réelle que dans la vie de tous les jours. En adhérant à l’Obédience, il ignore tout de son devenir, il fait un pari sur la Respectable Loge comme le joueur sur un cheval au PMU. Existe-t-il encore aujourd’hui des cercles philosophiques dont le but est bien le respect de la recherche de la Vérité multiple et pourtant unique ? Quoiqu’il en soit l’individu qui rentre dans un tel groupe, qui se dit initiatique, en reçoit une expérience même s’il en sort. A lui de tirer profit des réflexions inhérentes à cette expérience pour continuer sa voie en cohérence avec sa quête individuelle.

2° Phase de maturité du « moi »  c’est la période de l’adolescence, celle où l’individu n’est plus un enfant et non encore un adulte.

Petit à petit, l’enfant va essayer ses propres mécanismes, seul, à l’abri des regards. Son attitude d’imitation tend à disparaître. Il se rebelle : l’obéissance aux impératifs mentaux, aux consignes, aux interdits et mots d’ordre lui apparait dans toute leur puérilité. Les rythmes de la répétition, de la routine révèlent graduellement ce qu’ils ont de négatif ou de superficiel à ses yeux. Les défenses de la force de l’habitude vont bientôt connaître les premières fissures. Cela peut être constructif si l’individu d’imitateur aveugle devient créateur en se servant correctement des outils – les arts libéraux modernisés - dont il a appris l’usage à bon escient. Il ne s’incline plus aveuglément devant le fait accompli des valeurs proposées ou imposées, il ose douter et commence à repenser les problèmes et toutes choses par lui-même : il donne un peu de lui-même dans ce qu’il rend à ses parents, aux Professeurs. Il tente déjà de se soustraire à l’action des valeurs établies par les forces de l’habitude mentale. Nous sommes à la fin de l’apprentissage. Une virilité psychologique s’exprime en lui, exigeant plus d’autonomie, d’initiative, de créativité et de liberté. Celle-ci est d’abord recherchée dans la libre affirmation de sa nouvelle puissance d’autonomie. Il souhaite alors devenir le chef (de sa propre vie principalement)…, il observe et critique – pour lui - le comportement de celui qui a encore l’autorité. C’est vrai qu’il tire satisfaction de toutes réactions positives à son encontre. Son « moi-je » prend force et vigueur !
Puis, connaissant le maniement de tous les outils, excellant dans son travail, un jour, ayant épuisé toutes les possibilités d’expression, il comprend qu’il est prisonnier de ses propres créations. Alors vient le moment d’aller plus loin, de découvrir autre chose. Souvent atteindre « le seuil de Peter » est un révélateur pour l’homme honnête. Le « moi-je » perçoit les limites, il tend alors vers une réalisation plus profonde… il faut qu’il se dépasse.

Le Compagnon va, à ce moment-là, réaliser le parcours de l’adolescent. Il connaît les outils, leur utilité, le Rite. A un moment, soit ce Compagnon va au-delà du Rite, de l’Outil et découvre que le symbole est semblable à une poupée russe, soit alors il reste dans la routine, la facilité. A nouveau il est confronté à lui-même : aller chercher autre chose qu’il n’a pas encore vu mais qui attend là d’être sorti des ténèbres ou alors poursuivre et faire comme les Frères – ou ceux qui se disent tels,  attendre le moment que l’ancienneté lui autorise : une décoration, un grade, un Office, une ascension dans les Ateliers supérieurs… qui lui permettra de briller ?

Quelle direction ce Maçon va-t-il prendre ? Autre question essentielle : l’Atelier dans lequel il se trouve apporte–t-il au Maçon l’eau désaltérant sa soif de connaissance sincère même si celle-ci est versée dans un simple godet ? ou ce Maçon ne se préoccupe-t-il simplement que de l’éclat d’une récompense en « or massif » et visible par tous ? Il est semblable à la roue : va-t-il choisir d’être dans le moyeu ou paraître dans la course à la poursuite de l’avoir ascensionnel que la circonférence l’autorise à espérer ? Aller, dépasser la hauteur du moyeu, avoir plus que d’Etre ? C’est l’heure de vérité : que vais-je faire ? aller au-delà ? ou rester dans l’étroit territoire que je connais ? L’individu s’aperçoit – en a-t-il conscience d’abord ? – que l’état de rêve dans lequel il est plongé par l’action de la force d’habitude l’emprisonne ?

3° Phase de dépassement du « moi ».
C’est aller au-delà du ronronnement de la vie, du fameux « boulot, métro, dodo » à longueur de semaines, de mois, d’années. C’est aller au-delà du dépassement de soi s’il en a conscience. Va-t-il avoir le courage de passer cette porte ? Que risque-t-il d’y trouver ? Il est devant l’inconnu. Se pose alors la question : qui est cet inconnu ? si ce n’est que lui-même ! Sait-il que cette découverte va l’affranchir ?

J’ai rarement trouvé dans le monde profane, des individus qui allaient jusqu’à ce questionnement. Souvent les gens sont des être d’habitudes dont l’objectif est d’apporter une paye à la maison, de vivre mieux que le voisin, d’avoir ceci, avoir cela et si possible de posséder ce que le voisin n’a pas. Le terme « liberté » ne signifie-il pas en France, de faire ou pouvoir faire ce qui est défendu au voisin, grâce à l’argent, grâce à des hommes qui sont incapables de devenir Frères et ne restent que des hommes succombant à l’appel de l’avoir immédiat et du devenir clinquant ? Nous sommes dans le monde du marketing où l’individu est lui-même pris comme un objet d’acquisition de richesse matérielle, toujours plus, toujours plus d’autres choses, posséder le dernier cri, « J’ai ! » et toi tu n’as pas. Dans le monde profane, lorsque l’individu va au-delà du dépassement du moi, il ne le montre pas, il est discret et heureusement il existe. Il « Est » et cela lui suffit. Sa course est personnelle et il veut repousser ses limites pour lui-même tandis que celui qui cantonne sa vision dans un court-terme perpétuel se laisse dicter sa conduite par le dieu « Paraître » et il ne va plus se battre par rapport à lui-même mais par rapport à l’autre qu’il veut phagocyter, voire écraser ou anéantir, par n’importe quel moyen pourvu d’être en haut de l’affiche en permanence.

Dans le monde Maçonnique, nous devrions le voir en nombre. Lui le sait, n’est il pas un Cherchant ? n’a-t-il pas été dans la Chambre de Réflexion ? Ne lui a-t-on pas appris ce qu’était le V.I.T.R.I.O.L. ? Là, devant lui-même, face à lui-même ne redécouvre-t-il pas sa véritable essence ? Du moins cette réflexion lui fait pressentir ce qu’il est ? Certains symboles comme les 4 éléments deviennent réalité, il leur donne vie. Si ce n’est le cas, il n’est qu’un piètre compagnon affublé d’un costume de Maître. L’illusion est parfaite puisque tous le reconnaissent comme tel. Maintenant l’habit fait le moine. A la différence que le Compagnon costumé en Maître ne sait ETRE et joue dans le paraître retournant dans la poursuite de l’AVOIR et le DEVENIR. Le piège s’est refermé. Ce maitre, cet officier à qui l’on a confié un poste se trouvant sur l’Etoile de David parjure l’Initiation qui l’a fait Maçon et il n’en a cure de toute façon.

Le dépassement du « moi » exige une acuité de conscience ainsi qu’une qualité de vigilance et une grande humilité. Nous ne pouvons les atteindre que par une vie intense avec un don total de notre être. Il est nécessaire d’avoir une certaine maturité. N’est pas Initié qui veut, n’est pas Eveilleur – pour le grade de Maître tant revendiqué – qui veut. Ce n’est pas le port du Tablier bordé de ruban rouge et du bourgeron que le Maître  EST. Cet habit rassure le possesseur et trompe les Frères Maîtres, donne un mauvais exemple aux compagnons, voire manipule les Apprentis, quand ce n’est pas aux Maitres de l’Atelier de concourir – en toute Fraternité - qui sera le meilleur dans cet exercice… Où sont ces œuvriers qui commençaient une œuvre grandiose en sachant qu’ils n’en verraient pas la fin et ceux qui poursuivaient en toute humilité et dans le plus grand respect de l’ouvrage déjà accompli ?

Je vous fais partager cet extrait de la Citadelle de Saint-Exupéry qui explicitera mieux que je ne pourrais le faire ce qu’est un éveilleur en devenir :

"Et celui là qui se couche dans le sable aux alentours d'un puits tari et qui déjà s'évapore dans le soleil, comme il marche bien dans son rêve. Et combien lui deviennent faciles les grandes enjambées vers la délivrance....

Mais qui marche véritablement s'abîme les chevilles aux pierres, lutte contre les ronces et s'ensanglante les ongles dans les éboulis....  Et l'eau, il l'a crée lentement avec sa chair, avec ses muscles, avec les ampoules de ses paumes, avec les blessures de ses pieds. A brasser les réalités contradictoires, il tire l'eau de son désert de pierre à la force de ses poignets.

Tu la connais ta vocation à ce qu'elle pèse en toi. Et si tu la trahis, c'est toi que tu défigures, mais sache que ta vérité est non trouvaille d'une formule..... car l'être neuf qui est unité dégagée dans le disparate des choses ne s'impose point à toi comme une solution de rébus, mais comme un apaisement des litiges.....

De même il n'est point de progrès sans l'acceptation de ce qui est. Si quelque chose s'oppose à toi et te déchire laisse croître, c'est que tu prends racine et que tu mues. ....

Bien heureux ton déchirement qui te fait t'accoucher de toi même car aucune vérité ne se démontre et s'atteint dans l'évidence. Et celles qu'on te propose ne sont qu'arrangement commode et semblable aux drogues pour dormir.

Car sache que toute contradiction sans solution, tout irréparable litige, t'oblige de grandir pour l'absorber......

Et toi même, si tu veux grandir, use-toi contre les litiges, ils conduisent vers Dieu. C'est la seule route qui soit au monde. "

Les Maçons sont bien les héritiers des Alchimistes d’antan. Certains poursuivent l’or quitte à se fourvoyer comme les faux monnayeurs tel qu’un Trouin de Lisle qui abusa des Grands de ce Monde pour mourir à la Bastille le 30 janvier 1712, et d’autres, tel Fucanelli qui nous fit découvrir l’Œuvre. L’action des forces d’habitudes est bien la reconduction de Maître à Apprenti, de parents à enfants, de génération en génération. A chacun sa voie et sa vie. 



Louis Peyé 
Le 30 juin 2010.

L'Evolution de l'Individu : entre Ombre et Lumière


Voilà ce que disent les physiciens :

 "Notre logique, née dans les solides, disait Bergson, est une logique de  solide".  Ce qui laisse supposer que les choses nous paraissent intelligibles dans la mesure où elles peuvent être analysées en fonction de nos références familières de valeurs, de poids, de grandeurs.

Un mouvement perpétuel œuvre sans cesse dans les objets que nous croyons les plus inertes. L'apparente immobilité extérieure d'une pierre cache en réalité une vie intérieure et silencieuse d'une intensité telle que toute imagination humaine est incapable de la concevoir. Les molécules du diamant, symbole de dureté par excellence, effectuent 19 000 milliards d’oscillation par seconde… et c’est pour chaque objet la même chose si ce n’est à des vitesses différentes selon l’objet. C'est-à-dire qu’entre chaque molécule, il y a des espaces phénoménaux à leurs échelles. Le système décrit ici peut-être comparable à celui des planètes du système solaire.

La physique nous enseigne que les vides existent entre les éléments constitutifs de la matière. Si l’on entassait les noyaux d'atomes d'un cube de cuivre d'un mètre de coté, en supprimant les vides qui les séparent, le volume obtenu serait de l'ordre du millimètre cube. Joliot-Curie nous rapporte que si l'on entassait les uns contre les autres, comme des grains dans un boisseau, les noyaux d'atome responsables de la masse d'un homme de 70 kg on aurait en volume la dimension de ces minuscules poussières qui flottent dans l'air et dont la présence ne nous est révélée que par les rayons solaires pénétrant dans une chambre obscure.

Ces petits exemples physiques, nous démontrent que le monde matériel est en réalité un grand vide. Allons plus loin. Nous avons tendance à nous imaginer les constituants ultimes de la matière sous forme de minuscules grains sphériques doués de solidité. Or il s’agit là de simple « centre de forces, de zones d’influences, de paquets d’ondes ». Louis de Broglie nous dit que par corpuscule (paquets d’ondes, zones d’influence, centre de forces) « on entend une manifestation d’énergie ou de quantité de mouvements localisée dans un très petit volume et susceptible de se transporter à une distance finie » (voir Matière et Lumière P.62). Actuellement les savants physiciens nous parlent d'une onde de probabilité comme déjà Euler – 1717-1783 – nous le disait : « toute évolution est gouvernée conjointement par une cause efficiente sise dans le passé et une cause finale sise dans le futur». Aujourd’hui les travaux de Lawrence, Fermi, Chadwick, les frères Broglie, Niels Bohr, Oppenheimer ou notre meilleur montreur de langue, nous disent que plus notre investigation tend vers l’intimité secrète de la matière, moins celle-ci nous apparaît matérielle. C'est-à-dire que plus on va dans la connaissance et plus on se dirige vers une réalité non mécanique, non concrète. L’Univers commence à ressembler davantage à une grande pensée, une grande abstraction qu’à une grande machine. « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup y ramène » écrit Pascal. « Le travail est la grande vocation de l’homme… Nous savons qu’en travaillant, nous coopérons à l’exécution du Grand Œuvre selon le plan de Dieu » écrit Kant. Hermès Trimégiste ne nous enseigne-t-il pas que la réalité suprême n’est pas en dehors de nous ? Cette réalité : « la vie est en nous » a pour complément : « nous sommes la vie et nous l’exprimons ». Nous avons tendance à rechercher en dehors de nous ce qu’à certains points de vue nous sommes déjà. St Jean ne nous dit-il pas : « nous sommes tous des dieux » ?

Les physiciens nous font entrevoir l’essence de la matière revêtant un caractère tellement spirituel, qu’il semble que la physique moderne nous achemine irrésistiblement à la création d’un matérialisme spirituel. La physique quantique nous enseigne que rien dans l’Univers n’est jamais stable. Tout est mouvement. De même que nos états de conscience se modifient sans cesse. Les objets se transforment par la main de l’homme ou par dame nature et ils expriment des états en mouvement, comme nos planètes, les étoiles. Nos émotions, nos idées et le « je », notre monde subjectif lui-même se modifient également. Tout est mouvement, tout change, se modifie, évolue. On peut penser que le mouvement est une fonction du temps. Kant l’exprimait ainsi « Nous créons le temps nous-mêmes comme fonction de notre appareil récepteur ». Cependant la réalité globale, l’Univers comprend le phénomène et le noumène (la chose en soi), le manifesté et le non manifesté. Admettre ses divisions n’est que simple commodité de langage, et arbitraire. Plus les investigations tendent vers l’intimité secrète de la matière, moins celle-ci apparaît matérielle. L’univers commence à ressembler davantage à une grande pensée qu’à une grande machine. Nous nous trouvons en face de paquets d’ondes fuyantes, véritables fantômes de pure lumière doués d’une densité inconcevable en dépit de leur étrange fluidité. James Jeans, éminent mathématicien et astronome nous dit : « La tendance de la physique moderne est de réduire l’univers entier à des ondes et rien qu’à des ondes. Ces ondes sont de deux espèces : ondes captives que nous appelons matière et onde libres que nous appelons rayonnement ou lumière. Ces conceptions réduisent l’Univers entier à un monde de lumière potentielle ou réelle. » Cette réalité est l’énergie fondamentalement UNE et indivisible dont les modes d’expressions sont innombrables. Le Professeur Edouard Leroy de renchérir : « Lorsque l’on demande ce que peut être en soi la matérialité, une thèse de métaphysique domine toute la question : celle qui affirme la nécessité de concevoir le changement comme réalité fondamentale et primitive comme réalité substantielle qui subsiste d’elle-même, sans exiger de support ; la « chose » au contraire n’apparaissant d’elle-même qu’à titre second et dérivé, symbole ou sédiment, figure d’interférence dessinée par la rencontre de flux adverses, ou l’aspect d’un rythme plus lent, regardé en contraste avec un rythme plus rapide. En un mot « substantialité intrinsèque du changement ; nul besoin d’un quelque chose qui change et qui, invariable en ses profondeurs, porterait la mobilité d’un « être » opposé au « devenir » et qui lui serve de soutien. Le changement se suffit à lui-même et seul, au fond, existe véritablement » - «  L’Exigence idéaliste et le fait de l’évolution. P 44. ». Un sage chinois a dit, il y a longtemps de cela, qu’il n’y a qu’une chose qui ne change pas, c’est que tout change… À méditer !

Pas à pas, nous approchons d’une meilleure compréhension de ce que nous sommes : une énergie pure qui nous a, insensiblement, approché des mondes psychiques. Où se trouve la frontière entre le monde matériel et le psychique ? Il semble bien que celle-ci n’existe pas.

Le physicien suisse Eugène Guye a énoncé une des lois les plus importante s’appliquant tant au domaine de la phénoménologie matérielle que psychologique : l’échelle d’observation crée le phénomène. Par exemple disposons, dans une coupelle des billes blanches et noires, à une certaine hauteur, celles-ci apparaitront comme une tache grise. C’est ainsi que l’Univers nous apparaît matériel ou spirituel selon l’échelle d’observation que nous utilisons.  Notre conduite dans la vie, notre caractère, nos opérations intellectuelles sont régies tout comme de simples sensations par le même mécanisme. Heisenberg exprime l’importance de l’interaction et les interférences existant entre tous processus d’observation quotidienne. Dans le monde de l’infiniment petit, elles deviennent considérables, mais ce n’est que dans le monde de la pensée qu’elles revêtent toute l’ampleur de leur action. Dans le monde atomique, nous ne voyons JAMAIS un électron libre, nous l’apercevons qu’après l’inévitable observation de notre analyse. Dans le monde de la pensée, une idée émise peut perturber celui qui la reçoit tout comme notre regard peut le perturber et engendrer la perturbation. Il y a là, tout comme dans la mécanique quantique des causes identiques produisant des effets similaires : il y a des risques d’interférences se produisant entre « l’observateur » et « l’observé ». C’est ici qu’apparaît la manifestation, la dualité dans la compréhension de la « totalité-une », de la « globalité-tout » : l’objet est par le sujet et le sujet est par l’objet. Combien de fois avons-nous ressenti n’être qu’un, UNITE, avec un paysage, une symphonie, un tableau, l’être aimé ?

Les progrès de la science et de la psychologie nous montrent que loin de s’opposer, elles se complètent et se fécondent l’une, l’autre. Les progrès actuels de la psychosomatique nous montrent l’importance des interactions entre le secteur physique et le secteur psychique. Souvent, le docteur auscultant son patient,  découvre qu’un effet énergétique est intervenu en corrélation avec une expérience subjective de l’émotion ressentie qui a opéré des changements d’état. Je cite Bertrand Russel : « La matière est moins matérielle et l’esprit moins spirituel qu’on le suppose généralement. La séparation habituelle de la physique et de la psychologie de l’esprit et de la matière est métaphysiquement indéfendable ». Autrement dit, l’étude de la nature profonde des choses dans le monde physique, suscite dans l’esprit même de l’observateur attentif, des transformations telles, que ce dernier tend à se rapprocher de la découverte de sa nature véritable. Comme tu le constates mon Très Cher Ami, le V.I.T.R.I.O.L. n’est pas très loin ! Poursuivons, néanmoins.

La physique nous enseigne que toute distribution d’énergie, apparemment, continue à  notre échelle d’observation est en réalité foncièrement discontinue : toute manifestation d’énergie se fait par sauts et bonds successifs à l’image des secondes d’un chronomètre. Pour illustrer mon propos regardons un escalier, notre vision nous porte vers la rampe qui est ascendante et continue alors que nous progressons notre ascension dans l’escalier marche par marche. La rampe symbolise l’allure apparemment continue de tous les phénomènes, de toute distribution d’énergie. Les marches représentent le processus de montée discontinu, s’effectuant par bonds successifs.
Si nous regardons la flamme d’une bougie, elle se présente sous nos yeux d’une apparente immobilité. Or nous savons que rien n’est immobile, tout est mouvement, tout se renouvelle, rien n’est statique, tout est dynamique comme la vie. La flamme se recrée à chaque instant. Au cours de son flux continuel elle s’alimente des milliards de molécules de stéarine qui de solide, passe à un état liquide avant de devenir gazeux par bonds successifs et se consument en se combinant à l’oxygène de l’air. Ainsi se recrée d’instant en instant et s’entretient continuellement la chaleur de la Flamme.
Et maintenant, lorsque nous nous observons, nous avons de notre conscience une impression de continuité… Il semble que nous glissons uniformément dans la durée, en venant d’hier, à travers aujourd’hui, cet instant présent, vers demain. C’est vrai, ne doutons pas de cette apparente continuité. Nous brûlons cependant sur le plan de la conscience –où plutôt de l’inconscience – comme brûlent toutes les flammes sur le plan de la matière. Les aliments de la « flamme du moi », sont des « agrégats » (pour donner un terme appréhendable). Il y a d’abord le concret perceptible par les sens : le corps humain, les formes matérielles, les sensations éprouvées le corps. Il y a ensuite l’abstrait : mes désirs et mes impulsions, présents bien qu’inconscients, la mémoire consciente et inconsciente et léguée par des générations antérieures. Il y a encore mes réactions, celles de la méiose qui me sert de socle et que j’ai héritée de mes deux parents tant sur le plan physique que psychologique, celles de ma façon de les exprimer, celles de mes acquis, de mes croyances, de la conscience  que j’ai au contact des précédents agrégats définis, et celles de la conscience que j’ai de la totalité de ce processus. Le tout s’enchaine dans une sorte de cycle fermé, autant dans la comparaison de la flamme de la bougie que dans celle du « moi ». Tout comme la stéarine alimente celle-ci, tout comme nos agrégats alimentent ce qu’est notre vie, la brillance, la qualité de notre Lumière, celle que nous projetons. Dans cette énergie personnelle extrêmement complexe, de ce mélange qui alimente notre flamme, c’est un enchainement de causes à effets, dépouillé de toute individualité, s’est introduit une identification : le mirage du « MOI ». Telle la flamme de la bougie, nous consumons nos agrégats, formés d’habitudes et telle une toupie nous tournons, tournons sur nous même et brillons pour briller sans comprendre. Voilà pourquoi toutes les Traditions, tous les grands Sages, nous demandent de reprendre, mettre à jour, en conscience, tous ces agrégats afin d’accepter ou  non qu’ils alimentent notre Lumière propre. Tout comme la vie nous demande de l’absorber pour la restituer en conscience. Je cite Alexandra David Neel :
Ne croyez pas, sur la loi des Traditions, quoiqu’elles soient en honneur depuis de longues générations et en beaucoup d’endroits,
Ne croyez pas, sur la loi des sages des temps passés,
Ne croyez pas ce que vous vous êtes imaginé pensant qu’un dieu vous l’avait inspiré,
Ne croyez rien sur la seule autorité de tous ceux qui vous enseignent.
Après examen, croyez ce que vous-même aurez expérimenté et reconnu raisonnable, qui sera conforme à votre bien et à celui des autres.

 Qui n’a entendu ce terme V.I.T.R.I.O.L. « Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultum Lapidem » : « Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ». Cette pierre que le profane doit trouver n’est autre que la pierre philosophale des alchimistes, et celle-ci se trouve au plus profond de chacun d’entre nous, elle ne se dévoile qu’à ceux qui, par un travail intérieur sincère, sont arrivés au parfait équilibre pour ne faire qu’un : « Omnia ab uno, omnia ad unum », « Tout procède de l’Unité, tout tend vers l’Unité ». L’unité est en nous et nous en sommes la représentation. « Brille par toi-même, de ta propre lumière » nous dit une petite voix intérieure. Et les conteurs de tous les pays nous disent la même chose à travers les symboles universels exprimés dans les contes sous mille facettes et recouvrant pourtant la même sagesse.

Ce « moi » qui nous tient lieu de personnalité, ce « moi » qui est notre ego, et qui est notre masque sous lequel nous essayons de nous cacher – surtout à nous-même, brille  devant notre miroir personnel, tel Narcisse contemplant son reflet et le comparant aux autres… Cependant dans les couches profondes de notre inconscient se situant dans une proximité plus intime du lieu où s’élabore notre méprise, s’inscrit une peur, une angoisse fondamentale. Quelque chose en nous SAIT, ou est toujours sur le point de savoir que toutes nos affirmations, celles de notre VERITE (?), nos avidités, nos violences, nos agitations sont autant de reflexes désespérés destinés à masquer – à nos yeux – et si possible à ceux des autres, le caractère fondamentalement illusoire, fantomatique de l’individualité que nous croyons être. Il nous faut nous masquer notre peur existentielle, à  nos propres yeux et à ceux de notre entourage. D’où je viens, où vais-je et pourquoi ? Où est la réponse ? Je tourne, je tourne, je tourne sur moi-même, oubliant la flamme que j’alimente mal puisque c’est avec mon éternelle angoisse. En ai-je seulement conscience ?

La flamme du « moi » a pris l’habitude de brûler, avec ce qu’elle a. Elle  ne veut pas s’éteindre. Elle est la manifestation d’un instinct de conservation dont la puissance est immense. Celui-ci s’exprime indirectement par les désirs de jouir, de s’éprouver en tant qu’entité distincte, de s’objectiver de mille façons : « le désir d’être grand » de Freud. C’est la soif inextinguible de devenir parce que nous ne savons plus ETRE en toute simplicité. Selon la nature des choses, nous cherchons à DEVENIR. « Avant que de faire, il faut ETRE » disait Goethe.
Etant incapables de conjuguer le verbe ETRE, nous conjuguons le verbe AVOIR. Mais le verbe AVOIR ne pouvant nous conduire nulle part, parce que rien de durable ne peut être acquis, nous chercherons indéfiniment à AVOIR PLUS, ressemblant à Icare qui voulait s’identifier au soleil. C’est la personnalité « mana » de Jung, de l’homme qui s’identifie au roi, l’ami de Dieu qui est le magicien qui règne sur les esprits et les hommes, le groupe d’hommes qu’il a sous sa coupe, avant d’imploser. Telles est l’origine de nos servitudes. Dominant l’autre, j’ai une existence, un pouvoir, enfin j’existe, « je suis » dirait Descartes. Midas voulait tout transformer en or : il en est mort de faim ! Il alimentait sa soif de matérialité sans tenir compte de l’esprit et son corps lui-même en est mort affamé…

Les verbes avoir et paraître sont empreints de grossièreté et d’une violence bien éloignées de l’Etre. Chacun le ressent dans sa vie de tous les jours. L’activité mentale est l’expression d’une force extrêmement puissante qui semble échapper à notre contrôle. Cette force n’est autre que l’avidité de devenir, la réaction permanente à la peur obscure de n’être rien, à ses yeux, pire dans ceux des autres.

Pourquoi pensons-nous ? comment pensons-nous ? que pensons-nous ? qui pense ? Faute de répondre correctement à ces questions, nous restons esclaves de notre irresponsabilité face à nous-mêmes, notre entourage, la Vie. Sans arrêt, notre mental nous entraîne dans une succession de pensées qui naissent et qui meurent… Pourquoi ? Cette force du mental qui agit, qui tourbillonne, qui s’agite par sa rapidité, parfois par sa violence paradoxalement nous rassure. Descartes posait cette question : « qui suis-je ? » et il répondait : « je ne suis pas mon corps, ni mes passions » Alors conclua-t-il « je pense, donc je suis ». Si je pense, je vis, j’existe pensons-nous. Au fond de chaque être humain demeure pourtant un pressentiment obscur. Quelque chose qui est en lui et qu’il devrait affronter s’il se trouvait face à lui-même : le « JE SUIS » et d’où il vient, alors son illusoire continuité mentale s’achèverait pour contempler ce qu’il EST, au centre de V.I.T.R.I.O.L. manifestation de la vie, de l’Energie, hic et nunc, là où il se trouve.
Mais revenons à l’Univers, l’Homme, Ombre et Lumière. Il existe, pour nous qui l’observons, deux aspects. Revenons encore dessus. Un aspect que nous désignerons par « aspect de surface » où tout est régi par les lois mécaniques. Tout y est Habitude. L’astronome peut prédire le jour et l’heure de la prochaine éclipse du soleil ou de la position exacte de Jupiter dans le ciel à une date donnée. L’autre aspect nous l’appellerons « aspect des profondeurs ». Celui-ci se rapproche de la physique moderne. Plus nous allons fouiller dans les profondeurs, plus nous nous éloignons des rythmes de l’habitude. En profondeur nous n’avons que création, jaillissement, renouveau perpétuel. Ici, les lois mécaniques, le déterminisme, la causalité sont inadéquats. Nous pouvons donc définir la matière, telle que nous la voyons, comme une constellation d’habitudes mortes, figées, stagnantes. Or, nous sommes, en majorité, des êtres d’habitudes pour lesquels on peut prévoir un comportement particulier dans telle circonstance. En psychologie on la retrouve en analyse transactionnelle avec les « élastiques ». D’une manière générale, nos habitudes nous évitent bien des réflexions, bien des interrogations et souvent même, nous ne changeons pas et demandons à l’autre ce qu’il faut faire. Erreur ! Lorsque nous nous laissons notre énergie, notre Flamme, notre Lumière s’exprimer, elle nous montre le chemin de la guérison au sens propre. Un petit « bobo » se cicatrise seul si l’on ne s’arrache pas perpétuellement la croûte. Elle nous permet de trouver les solutions auxquelles nous n’avions pas pensé. La loi essentielle de la Vie est une loi de renouvellement, de créativité pure, de changement. Rien n’est plus opposé aux processus de vie que la répétition et la routine mécanique, inconsciente. L’Initié s’attache à libérer le profane du joug de la servitude mentale dans lequel il se trouve plongé par la force d’habitude. Cependant, attention, l’habitude ciblée, conscientisée est un gain de temps dans la vie de tous les jours. Elle permet d’augmenter notre part de créativité, d’apprécier la vie. Par exemple l’habitude me permet de taper plus vite sur mon clavier sans réfléchir où se trouve telle ou telle lettre offrant ainsi un temps exploitable à ma créativité.
Nous pouvons considérer l’histoire de l’Univers, dont l’homme fait partie intégrante, comme celle d’une marche croissante vers plus de liberté, de créativité et de mobilité que rien ne doit réfréner. Il faut savoir comprendre ces deux forces qui s’affrontent en nous : l’inertie des « forces d’habitudes » et le dynamisme de la force de la Vie. Ombre et Lumière…

Vaste programme.

Il est facile de suivre
le sens du courant et de se laisser aller. Tous nous savons qu’en allant vers l’estuaire, il y a plus de courant et surtout plus de pollution. Le mieux, est de faire le contraire, de remonter le courant, c’est-à-dire aller à contre-courant : c’est plus difficile, c’est vrai, et pourtant l’eau est indubitablement de plus en plus pure près de la Source.


Louis Peyé.

Le 30 mai 2010.