lundi 6 août 2012

qu'est ce que l'émotion ?

Le système émotionnel de l’Homme



Les émotions influencent fortement les décisions de chacun. Cela peut paraître une évidence mais aussi ne pas aller de soi. Ne dit-on pas que l’homme se fie à sa raison et que les sentiments sont le propre de la gente féminine ?


Arrêtons-nous un moment sur ce chapitre.


En 1848, Phinéas Gage, chef d’équipe des dynamiteurs chargés d’ouvrir la voie de chemin de fer « transcontinentale » américain était en train de creuser un trou dans la roche. Un moment d’inattention fut dramatique. Son pic transperça sa joue et ressortit au sommet du crane perforant le néocortex préfrontal entre les deux yeux. A la stupéfaction de tous, Phinéas se relève, parle, bouge, il est vivant, il est parfaitement lucide. Miracle ! Seul son comportement est différent : non-respect de tout et de tous allié à des prises de décisions ineptes et incompréhensibles. Les médecins chargés de le soigner ne peuvent que noter les différentes phases de ses attitudes et les comparer avec celles qu’il avait avant l’accident.


Dans les années 70, Monsieur Eliot est opéré d’une tumeur située sur le néocortex préfrontal. Son comportement est similaire à celui de Phinéas.


L’un et l’autre conservent l’intégralité de leurs facultés intellectuelles. Les différents tests effectués ne démontrent aucune perte du Q.I essentiellement porté sur les intelligences logico-mathématiques et léxico-sémantique. Les mémoires courtes et longues ne sont absolument pas perturbées, les capacités d’apprentissages sont intactes.

Pourtant, l’un et l’autre sont incapables de gérer leur emploi du temps journalier selon un plan logique et rationnel. S’il leur est demandé d’effectuer une tache particulière, celle-ci sera accomplie dans la mesure où celle-là ne demande pas de choix dans l’exécution. Dans le cas d’Eliot par exemple, si on lui demandait de faire le classement de documents, il était perdu. Fallait-il le faire dans un ordre chronologique ou d’une manière alphabétique ? Cette réflexion était perturbante, la prise de décision presque impossible.

Par ailleurs, les deux sujets montrent une absence totale d’émotions aussi bien devant leur drame personnel que devant l’exposition de photos dramatiques (incendies, crimes horribles, mutilations, etc….)


Le Professeur DAMASIO, Directeur du Département de neurologie de l’Etat de l’Iowa aux USA, explique ce phénomène après avoir mesuré, testé, comparé les humains et expérimenté des travaux sur des singes, pendant près de vingt ans,  que « la capacité d’exprimer et ressentir les émotions fait partie des rouages de la raison ».


 Il est admis aujourd’hui que les émotions peuvent perturber la décision, le passage à l’acte : le trac de parler en public par exemple. Est aussi troublant, d’une manière inconsciente, la non-expression de l’émotivité. Celle-ci se cristallise et agit à l’insu de l’individu. De ce fait, elle altère le jugement et l’aptitude au raisonnement. Raisonnement et émotivité sont liés comme le démontrent les expériences malheureuses de Phinéas Gage et d’Eliot.


En France, pays de Descartes et de la logique par excellence, l’Education Nationale base son instruction sur les intelligences qui permettent de mesurer le Q.I. et laisse de côté tout ce qui concerne le relationnel et les affects. C’est une erreur manifeste au vu du vécu des deux hommes précités. Encore aujourd’hui, l’élève ne peut exprimer loyalement son ressenti devant le Professeur. Il sait que s’il ne répond pas à l’attente personnelle et émotionnelle du professeur, il sera sanctionné par une mauvaise note. Il sait que l’Ecole dépend d’un Ministère intitulé Education Nationale mais qui n’est en réalité qu’un « dressage éducatif ». Fort de sa position « d’éducateur (?) » chargé d’une instruction déterminée en fonction de paramètres arbitraires d’une part et de sa position symbolique du « Père », le Professeur va énoncer des vérités qu’il sera impossible à l’élève de contredire. J’ai été témoin, en tant que « Parent d’élève » d’une cabale envers un élève, que je qualifierai de « rebelle », parce qu’il remettait en cause la chose énoncée et surtout révélait les manques pédagogiques et humains de certains professeurs. Ces derniers n’hésitèrent pas à demander son renvoi pour « ….faire de l’agressivité un principe de comportement…. Considérant qu’il cherche de façon répétée à provoquer les autres pour les conduire à un geste qui lui permettrait de se poser en victime… » Les parents de l’élève durent lui faire passer un examen psychiatrique pour le disculper et justifier la légitimité de son comportement. Devoir prouver que leur enfant était d’une agressivité normale et ne présentait pas de dysfonctionnement psychique. Quelle hérésie !

Que dire du nombre d’élèves qui, depuis le plus jeune âge, apprennent à prendre pour vrai ce que l’adulte leur enseigne comme étant vérité incontournable alors que ces élèves demandent à apprendre à réfléchir par eux-mêmes ? Quand on apprend à douter et à se méfier de ses sensations, de ses raisonnements, de ses intuitions peut-on construire la confiance en soi légitime et exigée par la Société ? Peut on se fier à son jugement propre ? Peut-on avoir envie de s’instruire après avoir quitté les bancs de l’Ecole ? Peut-on acquérir un sens critique, construire sa personnalité réelle ? Pourtant le corps professoral, dans sa majorité, sait qu’il faut une bonne assise émotionnelle pour qu’un élève puisse engrammer l’enseignement dispensé. La preuve, lorsqu’un élève baisse brutalement sa moyenne, l’enquête auprès de ses parents et ses condisciples met à jour une épreuve affective (décès, accident, divorce). Un Professeur de Sorbonne m’avoua que les jeunes qui sortent du cycle secondaire et entrent en Université sont incapables, pour la plupart, de faire travailler correctement la créativité ET la logique. La formation du néocortex préfrontal est inachevée. Un nombre, non divulgué, de professeurs du secondaire refusent de se remettre en question et donc de progresser. Pour la plupart, ils ont été des élèves soumis et attendent que leurs élèves le soient. Tant pis pour la qualité de l’enseignement, tant pis pour l’avenir de la jeunesse. Actuellement, la qualité du savoir acquis est en régression par rapport à celui dispensé au début du siècle.
 

Le travail intellectuel est souvent une représentation imaginaire, une construction virtuelle mentale. Dans nos prises de décisions présentes et futures, les sentiments (joie, tristesse, colère, peur), qui ont généré les émotions plus ou moins fortes et que nous avons enfoui dans notre subconscient mais dont l’inconscient conserve une mémoire positive ou négative, vont fortement influencer ces prises de décision, le plus souvent à notre insu. Combien de fois, le raisonneur, le « matheux », le pragmatique, le disciple de Descartes va décréter une action inconforme à sa seule logique. Que peut faire cette logique devant la complexité des rapports humains et de leurs incertitudes ? Les sources d’indécisions procurent une angoisse présente à chaque pas que nous faisons. Celle-ci nourrit l’intelligence de l’Homme, sa créativité et le motive à élaborer des solutions nouvelles pour y faire face et se procurer le plaisir de la vaincre.


Que se passe-t-il avant de prendre l’ultime décision ? Nous projetons mentalement la solution possible. Souvent une sensation physiologique nous renseigne sur notre état mental. Une bonne nouvelle programmée dilate les vaisseaux sanguins, une catastrophe annoncée peut provoquer des crampes d’estomac. L’émotion ressentie accroît l’efficacité de la décision – positive ou négative.


Peut-on définir le mot é-motion ? Motion à la même racine que motivation qui est un ensemble de critères, conscients ou non, déterminant une action future. « é »- , préfixe, indique un mouvement vers le dehors. L’é-motion est donc un ensemble de ressentis qui va de l’intérieur vers l’extérieur. Au cours d’une première rencontre entre deux êtres, l’émotion dégagée par les deux personnes en présence déterminera le futur. Elle commande la communication non-verbale. Elle est colorée par l’habitus primaire et l’Ethos de chacun des protagonistes en présence.


L’émotion sert à signaler l’événement signifiant pour l’individu et de motiver les comportements permettant leur gestion. Une émotion se déclenche consciemment et peut, aussi, apparaître à la suite d’une pensée subconsciente. Lorsque le cadre observe son subordonné lors d’entretiens professionnels, ce dernier – par rapport au fait évoqué – va avoir des réactions en relation avec son vécu, son imaginaire. Le fait est toujours rattaché à une émotion antérieure qui sera renforcée ou inhibée.

Quand il y a déphasage entre le fait et la réaction prévisible, on peut évoquer une cristallisation émotionnelle inconsciente dont l’individu n’a plus la maîtrise. Il est nécessaire d’agir soit en recherchant la cause première par évocation d’émotion et de sentiments, soit en modifiant le comportement ultérieur sur des critères se rapportant à cette cristallisation émotionnelle en effectuant un travail de désensibilisation consciente.




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